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La guerre du Viet-Minh 2/3 : l'auto-critique

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Pour les théoriciens communistes, "l'organisation" a une valeur de dogme : ils savent que la propagande n'est vraiment efficace que sur des masses organisées, et rendues dociles. Le système adopté est celui des "hiérarchies parallèles", à propos desquelles M. Hogard a pu écrire : "Il est évident que nul ne peut s'évader d'un filet aux mailles si étroites : nous ne sommes pas surpris de voir un fils dénoncer son père ou une femme son mari coupables d'avoir renseigné un détachement des forces de l'ordre ou abattu un porc pour la consommation familiale. Ils ne peuvent pas faire autrement. Puisque la délation est obligatoire, s'ils s'abstenaient, ils se rendraient complices. Or, la dénonciation est inévitable : en admettant que le délit ait échappé à la vigilance du responsable de pâté de maisons, de l'auto-défense ou de l'économie du village, à celle des représentants locaux du Parti ou de la Sûreté, ils sont, en effet, certains que les nerfs de l'un des membres de leur famille, d'un voisin, peut-être même les leurs, céderont lors de la séance d'auto-critique hebdomadaire des jeunesses masculines et féminines, des ouvriers du caoutchouc, des agriculteurs ou des mères de famille. Mieux vaut donc dénoncer le coupable et sauver le reste de la famille ! Le système des hiérarchies parallèles livre ainsi les individus à des techniques psychologiques, qui s'appliquent beaucoup plus efficacement sur des catégories homogènes d'êtres humains."
     Les personnes physiques doivent donc être étroitement contrôlées, mais le pouvoir doit contrôler aussi les cœurs et les esprits : c'est l'objet des techniques psychologiques : propagande chuchotée, conférences, cours, information "dirigée", fausses rumeurs, tracts, radios, séances folkloriques, etc. L'une des plus efficaces de ces techniques est l'auto-critique dont on peut comprendre l'importance si l'on songe au rôle que l’Église catholique attribue à la confession pour obtenir le perfectionnement des âmes. "Celui qui s'y livre, écrit M. Hogard, sait qu'elle sera enregistrée et recoupée avec tous les autres renseignements que le Parti possède sur ses activités. Il ignore ce que son confesseur sait. Harcelé, tourmenté, inquiet, moralement épuisé, il préfère au bout de peu de temps chasser toute idée hérétique, dès qu'elle lui vient, et modeler sa pensée sur la ligne qu'on lui propose plutôt que de lutter continuellement pour la dissimuler." 
     L'auto-critique devenant une des bases de la vie sociale, les masses étant organisées suivant le système des "hiérarchies parallèles", l'action psychologique peut se différencier selon les conditionnements locaux ; chacun doit, en effet, recevoir la "nourriture" qui lui convient, et les esprits sont "classés" comme les corps. C'est ainsi que l'on fabrique des sympathisants, des guérilleros, puis des "volontaires de la mort". 
     Cette préparation psychologique ayant été mise au point, Hô Chi Minh a organisé ses "bases", selon le processus précisé par Trotsky, et le scénario a toujours été respecté. Tout d'abord, des propagandistes s'infiltrent dans les villages, mais ne parlent pas de communisme ; ils s'efforcent simplement d'éveiller la xénophobie et d'envenimer les ressentiments que la population peut avoir contre les autorités légales. Un réseau de sympathisants se développe peu à peu, et les premiers groupements se créent, encore clandestins. Puis arrive la phase du recrutement, celui-ci étant facilité par le début du terrorisme : les "traîtres" sont sinon encore "jugés", du moins exécutés. C'est alors que les "comités de village" sont mis en place : tout le monde en fait partie, de gré ou de force, et l'administration légale se trouve très rapidement doublée d'une administration rebelle. Les apparences sont sauves, les villages sont toujours habités, les habitants continuent à payer leurs impôts. C'est alors aussi que les "troupes populaires" formées et instruites en pleine forêt entrent en action, protégées par le silence général. Attaques et embuscades se succèdent : l'heure du "pourrissement" est arrivée.

Claude Delmas, La guerre révolutionnaire

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