Les nationalistes catalans maintiennent leur pari pour l'indépendance, malgré tout. Le président régional sortant, Artur Mas, et sa formation, Convergencia i Unio (CiU, nationalistes de centre droit), ont subi un revers lors des élections régionales de dimanche. CiU, passerait en effet de 62 à 50 députés régionaux - sur un total de 135 -, selon les résultats partiels portant sur 92 % des voix. En revanche, deux partis indépendantistes radicaux améliorent leurs résultats. Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, indépendantistes de gauche) passerait de 10 à 21 sièges, et Candidatura d'Unitat Popular (CUP, indépendantistes d'extrême gauche) fait son entrée au Parlement régional avec trois députés.
L'engagement souverainiste avait été contracté par les deux tiers du Parlement régional sortant: en septembre dernier, les différents groupes nationalistes, ainsi que les écologistes, avaient voté une résolution promettant d'organiser au cours de cette législature une «consultation » sur l'indépendance. «Le bloc des partis souverainistes est majoritaire, une consultation sera donc organisée», a assuré dimanche le directeur de campagne de CiU, Lluis Maria Corominas. Le référendum était la principale promesse électorale de CiU, qui reste la première force politique en Catalogne. Et ce fut quasiment l'unique enjeu des élections.
L'initiative émane de Mas, qui devrait être reconduit par le Parlement issu des urnes. Elle risque de dériver, vu l'opposition frontale entre Barcelone et Madrid, en une interminable dispute politique et juridique. Comme le dit le politologue Joan Marcet, directeur de l'Institut de sciences politiques et sociales de Barcelone, «après la poésie, ce lundi, c'est le retour à la dure réalité». Le projet se heurte de plein fouet au gouvernement central. Madrid ne veut entendre parler ni de sécession ni de référendum. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy juge une telle initiative inconstitutionnelle. Et n'envisage pas un seul instant de modifier les règles du jeu pour faciliter la tâche aux séparatistes.
CiU a déjà intégré ce refus catégorique. Le projet d'Artur Mas de doter la Catalogne d'«un nouvel État dans l'Union européenne » - selon la formule qu'il souhaite soumettre à référendum - prendra du temps, reconnaissent les nationalistes. «Le programme ne dépend pas seulement de nous », reconnaît Oriol Pujol, l'un des principaux dirigeants de CiU.
Internationaliser le conflit
L'agenda formel de CiU est assez précis. D'abord, le nouveau gouvernement autonome réunira les forces politiques favorables à l'autodétermination. Il lancera ensuite une «négociation» avec le gouvernement central, qui, selon ce dernier, n'a aucune chance d'aboutir. Le Parlement catalan élaborera alors une loi pour donner un parapluie légal aux référendums catalans… en les rebaptisant «consultations ». Les nationalistes présagent d'ores et déjà que Madrid déposera un recours contre ce texte et, selon toute probabilité, l'annulera. Pour sortir de ce cul-de-sac, CiU compte sur la communauté internationale. Cette dernière étape a déjà commencé. Mas a prévenu qu'en cas de blocage, il n'hésiterait pas à «internationaliser le conflit ». Il s'est déjà rendu à Bruxelles pour convaincre l'UE du bien-fondé de son projet.
La presse internationale est l'objet de toutes les attentions. Les nationalistes catalans aiment à se regarder dans le miroir de l'Écosse, qui devrait organiser un référendum avec la bénédiction de Londres. Lors de son dernier meeting à Barcelone, Mas s'est exprimé quelques minutes en anglais. Le passage sur «la vieille nation catalane » et les sur valeurs de ses habitants avait ainsi plus de chances d'être repris par les caméras du monde entier. Les avertissements lancés à Madrid en catalan, eux, n'ont pas été traduits.
Source Le figaro