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Espagne : une société au bord de la crise de nerfs

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Après des années de croissance rapide, l’économie ibérique a brutalement chuté. Entre 2008 et 2012, son PIB a baissé de 5% et devrait encore décliner de 1,4% cette année. Les effets conjugués du krach immobilier et des plans de rigueur à répétition ont plongé le pays dans une profonde détresse sociale. 
     Tout d’abord, le secteur de la construction s’est arrêté net avec l’éclatement de la bulle immobilière. Après des années de surproduction, le pays de Cervantès est passé de 700 000 constructions par an à moins de 150 000 en 2012. Des villes fantômes inachevées attendent des acheteurs qui ne viendront plus. Près de 3,5 millions de logements seraient vacants. Malgré cela, 350 000 ménages, incapables de payer leurs traites, ont été expulsés de leur logement depuis 2008. Ces expulsés (les desahuciados) ne voient cependant pas leur dette effacée pour autant grâce à la vente du logement qu’ils occupaient, car les prix de l’immobilier ont chuté entre-temps. Beaucoup se retrouvent donc sans logement et surendettés. Face à cette hémorragie, le gouvernement a annoncé un gel pour deux ans des saisies dans les cas « d’extrême nécessité ».

Six millions de sans-emploi 
Le taux de chômage a quant à lui triplé depuis 2008 : 6 millions de personnes sont sans emploi. Après quatre ans de crise, de plus en plus de chômeurs arrivent en fin de droits et ne reçoivent plus que le revenu minimum de 421 euros créé en 2010. Le taux de pauvreté s’est accru et, dans un pays où l’Etat social restait encore peu développé, les plus démunis ne peuvent se tourner que vers l’assistance des réseaux de l’Eglise catholique (l’organisation Caritas aide trois fois plus de ménages qu’avant la crise), l’économie informelle et la solidarité familiale. 
Avec un taux de chômage de 52%, les jeunes forment une génération sacrifiée. Le salut pour nombre d’entre eux passe par l’exil en Allemagne ou en Amérique latine. Pour les autres, chômage et précarité sont synonymes de maintien chez les parents. Les salaires des fonctionnaires ont baissé de près de 15%, l’âge de départ à la retraite a été repoussé de 65 à 67 ans, les pensions de retraite gelées, la TVA augmentée à 21%, les aides de l’Etat aux handicapés ont fondu de 480 millions en deux ans et les médicaments sont moins remboursés. Quatre plans de rigueur se sont succédés depuis 2009 pour un montant cumulé de plus de 100 milliards d’euros. 
Les deux grands partis, les socialistes du PSOE et les conservateurs du Parti populaire au pouvoir, sont discrédités par leur échec face à la crise et les scandales de corruption à répétition. Mais pour l’instant, l’extrême droite ne profite pas de la crise. Ce sont plutôt des mouvements de citoyens comme les Indignés, nés le 15 mai 2011, qui organisent la résistance notamment face aux expulsions de logement. Avec la crise, les revendications indépendantistes se renforcent, notamment en Catalogne, entraînant un risque important de déstabilisation de l’Etat espagnol.

Le tour d’Europe de la crise sociale Alternatives économiques n°323

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