Comment les Allemands perçoivent-ils l'évolution économique de la France et les débats qui l'agitent actuellement ?
Marcus C. Kerber (professeur de finances publiques et d'économie à l'université technique de Berlin) : Petit à petit, même des gens qui ont une affinité de gauche, comme Gerhard Schröder, découvrent les faiblesses françaises. Du coup, les médias communiquent une image de la France un peu plus négative que celle qui était renvoyée du temps de Nicolas Sarkozy. A l'époque, les journaux se focalisaient sur son style, sa façon presque vulgaire de prendre en main, les affaires de l’État. Aujourd'hui, Hollande est vu par les Allemands comme le gentil voisin. Mais il semble avoir une confiance quasi religieuse dans la puissance de l’État, marquée notamment par la création d'une banque pour les PME, filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Tout cela suscite une incompréhension totale, à droite comme à gauche. C'est la même chose sur les 35 heures, le retour à la retraite à 60 ans. Malgré le discours officiel d'amitié politique entre le Parti socialiste et le Parti social-démocrate allemand, ce dernier ne fait pas du tout partie de la même famille politique. Les sociaux-démocrates allemands ont encore beaucoup plus de racines chez les ouvriers et il leur est très difficile d'expliquer pour nous retardons l'âge de la retraite à 67 ans alors qu'en France on revient partiellement à 60 ans. De manière générale, les Allemands ont l'impression que la France vit dans une insularité totale et qu'elle nie la réalité. Au point que Bild (quotidien allemand qui a la plus forte diffusion)se demande si elle ne va pas devenir la nouvelle Grèce !
Le Point n°2095
