Le rôle de l'Etat
Avec l'effondrement économique, les Etats seront incapables de fonctionner. Il n'auront plus ou très peu de revenus et donc auront moins de moyens. Ils seront vite totalement discrédités. Avec la crise énergétique, les gouvernements des grands pays ne seront plus en mesure de contrôler leur territoire. On peut imaginer que l'Etat, ou des organisations s'en réclamant, continue d'exercer une forme de gouvernement sur un territoire plus réduit, en attendant la fin de la crise. Des régions devenues de fait autonomes, celles qui ne seront pas plongées dans le chaos, garderont une relative autorité grâce à leur organisation, et au maintien de l'ordre.
Les entreprises et le commerce
Les chaînes de logistiques longue disloquées, toute entreprise devra (re)devenir locale, et cherchera à obtenir sur place les pièces et les matériaux dont elle a besoin. Dans les entreprises qui survivent parce qu'elles produisent des choses utiles, les salaires ne seront plus payés, ou alors de façon très sporadique et principalement en nature. Ces salaires ne suffiront plus pour vivre et il faudra se débrouiller. La richesse consistera en l'accès à des actifs et à des ressources physiques, comme la nourriture et l'eau potable, et à des intangibles comme les relations et les réseaux. Même si vous avez de l'or et de l'argent physique, qui seront les seules monnaies d'échange reconnues, la vraie richesse sera surtout celle du savoir-faire : savoir cultiver un potager, savoir trouver une source pour creuser un puits, savoir réparer des batteries et des panneaux solaires, etc. Contrairement aux fermes industrielles qui devront réduire leur surface cultivée, par manque d'engrais et d'essence pour les machines, les petites fermes qui existent encore vont s'en sortir très bien grâce à leurs connaissances et à leur taille.
Les artisans qui fabriquent des outils aujourd'hui obsolètes mais qui redeviendront utiles (forgerons, ébénistes, bottiers, luthiers, etc.) possèdent un savoir-faire qui leur permettra de continuer à produire, s'ils se trouvent dans un environnement sûr.
Ceux qui possèdent la terre pourront permettre à certaines familles de s'établir sur celle-ci et d'être nourries en échange de leur travail. Ces propriétaires terriens auront intérêt à savoir défendre leur domaine contre les pillards - ils pourront même embaucher des milices. Ce sera le retour d'une sorte de système féodal.
Le jour où les distributeurs d'argent n'en distribueront plus, quand les banques resteront fermées et quand la bourse n'ouvrira plus, les gens auront toujours des besoins. Il y aura donc du troc. On verra des gens essayer de vendre ou d'échanger tout ce qu'ils ont et qui n'est pas vital - jouets, meubles, vêtements -, des actifs sans valeur dans ce contexte contre des actifs qui auront soudain une très grande valeur (un fusil, des munitions, du bois de chauffage, de la nourriture...). On verra des gens comme vous et moi fouiller les poubelles. De plus, dans une situation d'hyper-inflation, personne ne voudra plus de l'argent papier. Pourquoi échanger quelque chose d'utile, disons une miche de pain ou une écharpe, contre un kilo de dollars ou d'euros qui ne valent plus rien ?
La loi
Dans le cadre d'un effondrement économique, il est fort possible que les systèmes judiciaires et policiers soient très vite totalement absents. Au-delà d'une période chaotique plus ou moins longue, un nouvel ordre se mettra en place. La loi, les interdits et leurs applications vont redevenir locaux. Le code des lois sera facile et rapide à lire. En revanche, en l'absence de système pénitentiaire, les punitions seront sévères. On ne s'intéressera plus aux raisons psychologiques des actes criminels, mais uniquement aux actes en soi et à leurs conséquences pour la communauté. Enfin, le risque sera grand que la société égalitaire du XXe siècle ne disparaisse et qu'une redéfinition des notions de citoyen, de droits et de devoirs ne laisse une part importante de la population en dehors du processus de décision.
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique