Effets sanitaires
Les conquêtes médicales et sanitaires des XIXe et XXe siècles risquent d'être perdues à cause du manque de médicaments - les usines ne fonctionnant plus et l'approvisionnement n'étant plus possible. Avec le stress et les privations, les systèmes immunitaires vont être affaiblis. Les maladies opportunistes, comme les virus, vont se propager rapidement et probablement tuer bien plus de personnes que tous les troubles et toutes les guerres. Il faut s'attendre, surtout dans les villes ou dans les camps de réfugiés, où la densité sera très forte, à des crises sanitaires et à des épidémies qui causeront la mort de millions de personnes.
Effets psychologiques
Au-delà des effets physiques d'un effondrement économique, les effets psychologiques seront énormes et causeront des traumatismes terribles. On verra des gens qui étaient riches et qui ne comprendront pas que leur richesse se soit volatilisée (au fond, notre fortune n'est qu'une représentation abstraite, une suite de 0 et de 1 dans un logiciel). Lorsque les ordinateurs des banques ne fonctionneront plus, la fortune financière n'aura jamais existé. Ces individus, reclus dans leurs belles mais inutiles villas, prisonniers dans leurs appartements cossus, sans eau et sans nourriture, vont être totalement pris au dépourvu. Le choc sera particulièrement fort lorsqu'ils se rendront compte que, sans argent, leur influence sur les autres ne sera plus ce qu'elle était. Pire, les riches, ou les gens perçus comme tels, seront désignés comme les responsables de la situation et seront la cible de la vengeance populaire. Ils subiront alors humiliations et violences. Pour les moins riches : fini l'assistanat de l'Etat providence ! Les retraités, les handicapés et les malades auront intérêt à avoir une famille qui s'occupe d'eux. Paradoxalement, les personnes les plus en risque à ce niveau seront celles qui ont réussi professionnellement : leur carrière sera brutalement terminée, tout ce pour quoi ces gens avaient travaillé et intrigué depuis des années n'existera plus, leurs revenus et leurs économies seront vaporisés, la valeur de leurs villas et appartements sera proche de zéro, leur voiture ne roulera plus, tous les symboles de leur statut auront disparu. Cette catégorie de personnes aura alors tendance à boire, à abuser de drogues et à se suicider. Or, il s'agit de gens dynamiques, avec de l'expérience et des compétences utiles. Ce sera une perte importante pour la société. Comment vont-ils réapprendre à redéfinir le succès sans la capacité constante de consommer et de produire ? Ce sera le pire moment pour tomber en dépression nerveuse car ce sera le moment où l'être humain aura besoin du maximum de ressources mentales et physiques pour se ressaisir et agir.
Les scénarios d'effondrement auxquels nous allons devoir faire face ces prochaines années sont difficiles à prévoir avec exactitude car, d'une part, ils sont nombreux et, d'autre part, il y a un grand degré d'incertitude dû à la dynamique non linéaire de la nature humaine. En effet, l'histoire est souvent faite de mouvements par seuils. C'est comme une femme enceinte : on comprend bien le processus progressif, et plus ou moins rapide, qui a fini par la mettre dans cette situation, mais une femme ne peut pas être à moitié ou progressivement enceinte. De même pour la molécule d'eau, qui change soudainement d'état lorsque l'énergie qu'elle a accumulé ou perdue atteint un nouveau palier : soudain, l'eau se change en vapeur ; soudain elle se change en glace. Il y a des événements imprévus qui, dans un environnement propice, ont des conséquences immenses alors qu'ils ne seraient qu'insignifiants autrement. Les exemples sont nombreux : assassinat de l'archiduc d'Autriche à Sarajevo en 1914, prise de la Bastille à Paris en 1789, Boston Tea Party de 1773.
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique