Ils sont quarante-huit et manifestent contre André Vingt-Trois. Près de l'Assemblée nationale, ils tournent en rond, munis de pancartes en faveur du mariage homosexuel. «André Vingt-Trois, occupe-toi de ton culte» est leur slogan. Une militante qui tient à son anonymat explique: «Nous sommes très en colère parce qu'il s'oppose à nos droits.»«Il» étant l'archevêque de Paris. Avec cinq autres responsables religieux, il était invité, jeudi, par la commission des lois de l'Assemblée nationale pour dire pourquoi juifs, chrétiens, musulmans s'opposent au projet de loi pour le mariage gay. Travail démocratique que cette jeune femme va toutefois jusqu'à récuser: «L'Assemblée nationale n'a pas à écouter André Vingt-Trois!» [la bougresse]
Dans la salle Lamartine, chacun des religieux dispose de dix minutes pour s'exprimer. Dans l'heure qui reste, le rapporteur de la loi, Erwann Binet (SRC-groupe socialiste républicain et citoyen), lance des questions et donne la parole aux douze parlementaires présents (lui compris: neuf SRC, un RRDP (radicaux de gauche), un écologiste, deux UMP, Xavier Breton et Éric Woerth). Cinq s'exprimeront longuement, essentiellement sur la notion d'égalité et de non-discrimination pour les homosexuels. Il restera donc moins de quatre minutes par religieux pour répondre aux objections. Ce qui irrite le pasteur Claude Baty, président de la Fédération protestante de France, qui appelle alors ses interlocuteurs politiques à un «débat sérieux»: «vous posez une masse de questions: avoir trois minutes pour répondre, c'est frustrant», lance-t-il. Et de critiquer la forme de cette réunion: «nous voyons ici à quoi mène un dialogue fait dans l'urgence. Il faut maintenant nous dépêcher de débattre!» Et conclut: «Trop pressé d'aller à la solution, on risque de ne pas écouter l'autre.»
«Globalement vous êtes des lobbys»
La solution, elle, semble déjà acquise pour les députés de gauche présents qui sont d'ailleurs les seuls à s'exprimer. L'Assemblée va voter cette loi, cela ne fait pas l'ombre d'un doute pour eux. Les religions qui auront pu tout de même redire les raisons de leur opposition n'ont d'ailleurs pas grand-chose à apporter car le «débat» se joue pendant cette seule séance. Le plus virulent sur ce thème étant Alain Touret (RRDP): «Globalement vous êtes des lobbys», lance-t-il, attaquant directement l'Église catholique: «Vous appuyez votre pouvoir sur l'institution du mariage (…) mais à part quelques exceptions vous vous êtes pratiquement trompés à chaque fois (…). La fracture entre vous autres et l'opinion est totale.» Curieusement toutefois, et comme la plupart de ses collègues, il insiste et conclut son propos sur la nécessité de tenir le débat à l'Assemblée et surtout pas dans la rue. Comme si la majorité avait peur d'une forte mobilisation pour la manifestation nationale du 13 janvier prochain: «Vous lancez vos troupes, vos évêques, jette-t-il à un cardinal Vingt-Trois impassible, vos catholiques s'il en reste» mais «restez plutôt sur le plan philosophique» et «laissez aux élus la responsabilité de décider!» Ce qui fera réagir le grand rabbin, Gilles Bernheim. Ces interventions religieuses, argumente-t-il, sont tout, sauf «un front des religions». «Jamais, ajoute-t-il, je récuserai le droit pour un couple homosexuel d'avoir des enfants» mais comment peut-on «imposer son désir d'enfant sur l'avenir même de cet enfant ? Droit et devoir sont ici remis en question. Et le mot mariage est dévoyé.»
Source Le Figaro