La différence entre Demorand et la réalité, c’est que pour les Français, le traumatisme est quotidien, sans protection policière simultanée.
Comment ne pas voir que le traitement politique et médiatique de l’affaire du « tireur fou » suffit à comprendre en grande partie le rejet croissant des médias par les Français. Les faits se déroulent en deux étapes.
D’abord l’agression. Libération est, entre autres, visé : le tireur ne peut être qu’un militant d’extrême droite. La prudence n’est pas conviée et les commentaires s’enchaînent, de Caroline Fourest « obligée » de parler du Front national lorsqu’elle évoque l’agression, à David Assouline qui dénonce un climat dégradé par la « droite revancharde ».
Avec cette idée derrière la tête et durant trois jours, certains ont semblé découvrir que le « sentiment d’insécurité » était en fait bien réel. Quand on voit le nombre d’agressions quotidiennes, de vols, de viols, de cambriolages, de meurtres… et leur violence sans cesse sous-estimée dans les colonnes journalistiques, il y a de quoi s’étouffer. Un homme a été blessé, la menace fut la même que pour beaucoup de Français… mais non, pas la même en réalité : hélicoptères de police, intervention de Manuel Valls, déclaration de François Hollande, déploiement de forces spéciales… Ce dispositif, pourquoi pas. Mais pourquoi juste cette fois ?
C’est quand même Libération qui explique régulièrement aux Français qu’ils ne doivent pas céder au sentiment d’insécurité qui fait le jeu du Front national, qui dénonce « la haine en réseau » lorsque des Français apportent leur soutien – sans nécessairement cautionner le geste – à un bijoutier plusieurs fois braqué sans avoir retenu ni l’attention ni la protection de quiconque.
Il a suffit d’une seule fois pour que Nicolas Demorand se dise « traumatisé ». Tout le monde le croit. Mais la différence entre Demorand et la réalité, c’est que pour beaucoup de Français, le traumatisme est quotidien, et sans protection policière simultanée. À lire Libération, quand des bijoutiers, des boulangers, des jeunes filles, des personnes âgées… sont agressés, il ne faudrait surtout pas céder à la panique. Pourtant, elle fait mal cette insécurité, elle traumatise. Ni plus ni moins qu’à Libération et chaque fois.
Deuxième étape, le tireur est retrouvé, confondu par son ADN. Stupeur, il s’agit d’AbdelHakim Dekhar. La réalité, suppliée par toutes les âmes de gauche de fournir un tireur qui soit surtout un militant d’extrême droite en a décidé autrement. Dans la minute, l’acte gravissime qui menaçait la liberté de la presse, la démocratie et la République, résultat d’un « climat dégradé »redevient un simple fait divers.
Il fallait qu’il soit blanc, Français de souche, d’extrême droite et pourquoi pas catholique. Mais voilà qu’il est d’origine algérienne, récidiviste, musulman et… d’extrême gauche. On apprend alors qu’un tireur fou n’est militant politique que s’il est d’extrême droite. Dans le cas contraire, il est d’abord « suicidaire, déséquilibré, instable et marginal », le reste étant parfois précisé du bout des lèvres. Aucune personnalité politique de gauche ou d’extrême gauche n’est sommée de se désolidariser de ce geste, ou de revenir sur ses propos. Aucune dissolution des groupes antifas n’est évoquée. Circulez, il n’y a plus rien à voir ! Dommage pour Libé, à force de tordre la réalité, les ventes ne risquent pas d’augmenter
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