La Commission européenne devait se prononcer ce vendredi sur le budget 2014 des pays de la zone euro, une première. Explications.
La Commission européenne a donné pour la première fois ce vendredi 15 novembre, son avis sur les budgets 2014 des Etats de la zone euro, sauf ceux sous assistance financière (Grèce, Irlande, Portugal et Chypre). Selon cette législation dite "two-pack", Bruxelles peut demander au Parlement français de revoir sa copie, un scénario potentiellement "explosif". Explications.
C'est quoi le "two-pack" ?
Ce sont deux règlements européens, entrés en vigueur en mai dernier, visant à renforcer la gouvernance économique de la zone euro. Le principal texte concerne le droit de regard inédit de la Commission européenne sur les budgets nationaux des pays de la zone euro. Le "two pack" prévoit également de renforcer la surveillance des Etats dont la stabilité financière est fortement mise à mal ou risque de l'être, notamment ceux sous programme d'assistance financière comme le Portugal et la Grèce. Cette législation s'inscrit dans un ensemble plus vaste adopté dans le cadre de la réponse de l'UE à la crise de l'euro: elle complète le "six-pack" (cinq règlements et une directive), entré en vigueur en décembre 2011, qui renforce les sanctions en cas de dérapage budgétaire, et le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), qui impose depuis janvier 2013 la règle d'or de retour à l'équilibre budgétaire à moyen terme dans 25 pays de l'UE.
Comment ça marche ?
Depuis 2012, les États doivent déjà transmettre à la Commission européenne, avant le 30 avril, leurs programmes budgétaires pluriannuels pour revenir dans les clous du Pacte de stabilité, réformes structurelles à la clé. Désormais, ils doivent également remettre à la Commission, avant le 15 octobre, leur projet de budget pour l'année suivante. La Commission rend ensuite son avis avant le 30 novembre. Cette année, elle s'exprime dès le 15 novembre, avant une réunion des ministres des Finances de la zone euro qui fera le point le 22. Les ministres européens valideront le processus début décembre. Les budgets doivent être votés au 31 décembre au plus tard.
Si la Commission constate des manquements graves (en terme de déficit, de réformes structurelles, etc), elle pourra demander au Parlement du pays concerné de lui présenter un projet de budget révisé. Son principal critère est de juger si le texte traduit bien les efforts du pays sur le chemin de la réduction de son déficit. Elle doit également juger de la sincérité des prévisions macroéconomiques (croissance notamment) retenue dans le budget.
Est-ce un droit de veto accordé à Bruxelles sur les budgets nationaux ?
Pas tout à fait. Certes, Bruxelles peut demander une révision du budget, mais les parlementaires nationaux ont le dernier mot : ils restent libres d'éluder ses recommandations. Toutefois, si la Commission constate un dérapage budgétaire, elle peut infliger des sanctions financières allant de de 0,2% à 0,5% du PIB - soit pour la France entre 4 et 10 milliards d'euros. Il ne s'agit donc pas d'un droit de veto, mais la menace de sanctions agit tout comme.
Que risque la France ?
Paris a transmis le 1er octobre non pas son projet de loi de finances pour 2014, peu lisible, mais un " rapport économique, social et financier pour 2014 ", annexe au PLF, qui prévoit une croissance du PIB de 0,2% cette année , de 0,9% en 2014 puis de 1,7% les deux années suivantes. Selon ce texte, le déficit s'élèverait à 4,1% fin 2013, 3,6% fin 2014, 2,8% fin 2015 pour atteindre 1,2% fin 2017. Bruxelles a déjà validé, dans ses prévisions d'automne publiées la semaine dernière, les hypothèses de croissance de la France.
Mais l'exécutif européen ne croit pas au redressement budgétaire de la France, pas sans nouveaux efforts. Le déficit prévu par Bruxelles pour la France est de 4,1% cette année, 3,8% l'an prochain et encore 3,7% en 2015, à politique inchangée. "S'il est nécessaire de faire plus" d'économies, "nous le ferons", a réagi le ministre français du Budget, Bernard Cazeneuve. Ces économies se feraient via de nouvelles coupes dans les dépenses. L'avis Bruxelles sur le budget 2014 de la France devrait donc être positif. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a d'ailleurs indiqué lundi que le budget de la France était "globalement satisfaisant", même si la politique fiscale "atteint les limites de l'acceptabilité".
En revanche, l'exécutif européen sera moins clément en ce qui concerne le programme de réformes structurelles à venir. Le gouvernement français a obtenu au printemps un délai de deux ans, jusqu'en 2015, pour ramener son déficit public sous la barre de 3%. En échange, il doit s'engager dans des réformes afin de regagner en compétitivité, renouer avec l'emploi et une croissance vigoureuse. Après la dégradation de la note française par l'agence Standard & Poor's vendredi dernier, la Commission a réitéré sa confiance "dans le fait que la France fera ses réformes car elles sont nécessaires". Une position qu'elle ne manquera pas de rappeler ce vendredi.