Les patrons du CAC 40, qui ont gagné en moyenne 4,2 millions d’euros en 2011, ont vu leurs revenus augmenter de 4 % (malgré une baisse des bénéfices de leurs sociétés), alors que le pouvoir d’achat des Français moyens a eu tendance à stagner.
4 % cela équivaut à un gain de 160.000 euros, soit quelques 14.000 euros par mois. Donc le seul chouïa de rabe touché par ces "veinards" représente environ six fois plus que ce que gagne en tout la majorité des Français.
Si 14 grands patrons ont gagné 240 fois le Smic, Carlos Ghosn (Renault-Nissan) a amassé en un an, tout compris, 660 fois le salaire minimum. Pour toucher autant, un salarié ordinaire aurait du commencer à travailler sous Charles VI, au début de la guerre de Cent ans et pour égaler le pactole engrangé par Maurice Lévy de Publicis, il aurait fallu que le même salarié commence à trimer sous les Mérovingiens.
Si le revenu annuel de Carlos Ghosn s’élève à 660 fois le Smic, cela signifie qu’il aurait permis de payer, pendant un an, 660 smicards. Disons 500 avec les charges. Calcul absurde, évidemment, car il faut bien que Monsieur Ghosn vive et se fasse rémunérer ses immenses talents. Mais imaginons qu’il se contente de 5 millions d’euros dans l’année. Il resterait de quoi rémunérer 330 smicards ou, charges comprises, 200 salariés moyens. Or, Monsieur Ghosn ne consommera pas plus qu’il ne le fait : il y a des limites à l’avalement de caviar, à l’offre de diamants à son épouse ou à l’acquisition de résidences secondaires. En revanche, les 200 salariés moyens qui, au chômage, coûtent à la collectivité qui les assiste, deviendraient des consommateurs, contribueraient à doper le commerce et, au lieu de toucher des minimaux sociaux, paieraient des impôts.
Autrement dit, le problème n’est pas que les trop mirifiques revenus soient socialement choquants (on n’est pas de gauche, nous, ma bonne dame!), mais c’est qu’ils constituent une aberration économique.
Jean-François Kahn pour le Huffington Post