Résumons : avant de devenir marxiste-léniniste, Guy Lardreau avait pleuré l'exécution de Louis XVI, le Roi Très-Chrétien. Après sa rupture avec le maoïsme, Benny Lévy regretta, lui, la mort d'un autre souverain : le Roi Moïse. Et il se mit à rêver de Restauration. Relisant La République de Platon, il constata : le peuple est coincé au fond de la caverne, il est embourbé dans le simulacre, le préjugé, la doxa ; d'où l'impasse de la démocratie moderne, qui a mis le peuple à la place du souverain, pour faire du pouvoir un lieu vide : "Ce lieu vide nous renvoie à la tête coupée du roi (du roi ou de Dieu -, roi de droit divin)."Éclairant Platon à la lumière de la Torah, l'ancien mao affirma : toute politique digne de ce nom est d'abord une pastorale ; le Pasteur garde et guide chacun de ses moutons.
Jean Birnbaum, Les Maoccidents
Durant les années rouges, il n'y avait "rien" en dehors de la guerre sociale. Celle-ci évanouie, voilà la société réduite à rien, livrée au nihilisme, au "rienisme", selon le mot de Joseph de Maistre. Se référant à ce dernier, et surtout au Maharal de Prague, un savant juif du XVIe siècle, Benny Lévy définit désormais notre époque comme "l'empire du Rien". Absence de Pasteur et règne du troupe, ignorance de la Loi et prolifération des droits, oubli des hauteurs et bassesse de l'individu-roi : "Une transcendance vide, une transcendance morte - Rien - gouverne le monde." A ceux qui se disent "laïques", il lance : "Étudiez vraiment les penseurs de la démocratie - Hobbes, Spinoza, Rousseau. Leur problème est de définir une religion au fondement de l’État. Aucun auteur classique n'a pensé qu'on pouvait se passer d'une religion pour les temps modernes. Ils voulaient une religion universelle, une religion sans Église, etc. La première chose que Robespierre a faite, c'est une fête de l’Être suprême."
Hélas, l'Europe est sans mémoire, constate le chef de file des "Lévinassiens". A la différence des États-Unis, qui continuent d'entretenir une relation avec la Bible, la vieille Europe ne veut plus rien savoir de son héritage religieux. Refusant l'idée même de vérité, elle s'abîme dans le relativisme culturel ; à genoux devant les fétiches droits-de-l'hommistes, elle s'enfonce dans l'insouciance progressiste : "J'ai eu des étudiants de licence qui ignoraient qui était Avraham, écrit Benny Lévy. On ne peut pas comprendre la vilaine férocité du discours progressiste actuel sans le référer à cette ignorance. Quiconque a quelque rapport "culturel" à la Bible ou aux patriarches, etc., ne saurait tenir le langage que nous entendons aujourd'hui sur Israël. Face à un tel effondrement de l'horizon biblique en Europe, quel sens aurait un programme de Renaissance ?"
Jean Birnbaum, Les Maoccidents