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Les nationalistes japonais haussent le ton

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Ces temps-ci, entre les missiles nord-coréens et les avions de surveillance chinois, le ciel japonais est très encombré. Et ces incursions dans ce que Tokyo considère comme son espace aérien offrent de jolies munitions à la mouvance nationaliste, qui avait déjà le vent en poupe pour les élections législatives qui se tiennent ce dimanche. 

L'intensification de ces menaces ne surprend pas Satoru Mizushima. «À force d'offrir le visage d'un Japon trop faible, on permet beaucoup de choses à nos ennemis», explique le fondateur du groupe Ganbare Nippon, un des mouvements d'extrême droite japonais les plus dynamiques. Créé il y a seulement deux ans, il a déjà à son actif le débarquement d'activistes sur les îles Senkaku-Diaoyu, au cœur de la discorde entre Pékin et Tokyo. «Il n'y a aucune raison pour que l'on se laisse marcher sur les pieds, tonne cet homme au physique massif, alors que nous avons une puissance militaire bien supérieure à la Chine et les troisièmes forces navales au monde.» 

Pour lui, il est temps d'endiguer les excès «des fascistes chinois». «Oui, ce sont les nazis de l'Asie, dit-il encore, je parle des dirigeants communistes, pas du peuple chinois.» Ce réalisateur de cinéma prépare d'ailleurs un nouveau film, qui fera œuvre historique en remettant les pendules à l'heure sur le «prétendu massacre de Nankin» - le massacre en 1937 de dizaines de milliers de personnes dans cette ville chinoise par les troupes japonaises -, qu'il assimile à une manipulation de la propagande communiste. Mais pour l'heure, il est surtout occupé à mettre en scène le retour de la droite nationaliste au pouvoir. Ganbare Nippon soutient ardemment Shinzo Abe, qui a toutes les chances d'être le futur premier ministre japonais. «C'est le premier à avoir prôné un Japon fort, dit-il, et comme nous, il veut réviser la Constitution, transformer nos forces en une vraie armée.» «Nous sommes plus extrémistes que lui, bien sûr», reconnaît l'homme, qui souhaite que le Japon se dote de l'arme atomique pour faire pièce à la Chine et la Corée du Nord. 

Dans un Japon hanté par le spectre du déclin et inquiet de l'affirmation chinoise, la rhétorique nationaliste a aujourd'hui un large écho. Shinzo Abe, ainsi, martèle qu'il veut «en finir avec le régime d'après-guerre». Son Parti libéral-démocrate (PLD) entend mettre fin au pacifisme constitutionnel et transformer les forces d'autodéfense en une armée «normale». Il promet aussi de réviser les livres d'histoire, pour que les écoliers japonais puissent regarder fièrement leur passé. 

Une autre formation politique qui occupe le devant de la scène a un nom qui parle de lui-même: le Parti de la Restauration. Sa figure de proue est Shintaro Ishihara, un ancien écrivain de 80 ans qui était gouverneur de Tokyo jusqu'en octobre dernier. C'est lui qui a provoqué la dernière crise sino-japonaise, avec sa tentative d'acheter les îles Senkaku. Lui aussi tient un discours ultranationaliste, promettant de redresser un Japon affaibli et humilié par la Chine. 

S'il arrive au pouvoir, Shinzo Abe risque toutefois de devoir arracher quelques pages à son ambitieux agenda politique. «Il y a aujourd'hui, dans la classe politique comme dans la population, un consensus sur la nécessité de contrebalancer l'émergence chinoise, mais il s'agit surtout d'une réaction à l'attitude de Pékin, estime Yoshiki Mine, du Canon Institute for Global Studies. Ensuite, les moyens divergent. Faut-il réécrire la Constitution? Faut-il avoir une nouvelle posture de défense? Je pense qu'une majorité des Japonais ne sont pas préparés à de tels changements lourds et préfèrent le statu quo.» La priorité reste le redressement économique, ce qui incite à la prudence et à de bonnes relations avec les pays voisins, Chine notamment. 

Toute la question est de savoir de quel bois sera fait le «nouveau Abe». Certains estiment que son credo nationaliste est plus fort, plus ancré que lors de son précédent passage au pouvoir il y a six ans. Ceux-là craignent que la nouvelle Asie ne devienne très dangereuse, avec un risque d'escalade à la prochaine «provocation» chinoise dans les mers disputées. D'autres veulent voir en Abe un «Nixon japonais», un pragmatique, un conservateur à la ferme poigne qui peut du coup tendre la main à l'adversaire. On rappelle que lors de son arrivée au pouvoir, Shinzo Abe avait effectué son premier voyage à l'étranger à Pékin, pour «briser la glace», après le grand froid de la période Koizumi. 
«Au-delà de son discours de fermeté, et grâce à cela en fait, il peut faire des gestes vis-à-vis de la Chine sans être attaqué pour sa faiblesse, avance Tetsuo Kotani, chercheur au Japan Institute of International Affairs. Peut-être tentera-t-il encore quelque chose avec Pékin?»

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