Alors que le Parlement va prochainement délibérer sur le projet de loi autorisant les couples homosexuels à se marier, plusieurs responsables de l’opposition ont indiqué que, de retour aux affaires en 2017, la loi autorisant le mariage pour tous serait abrogée.
Sur le plan des principes constitutionnels, rien ne s’oppose à une telle abrogation. Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de statuer sur cette question. Dans sa décision du 28 janvier 2010, alors qu’il était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité aux fins de faire reconnaître comme notamment contraire au principe d’égalité la disposition législative du code civil qui dispose que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le juge a considéré qu’il était à « tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions ». Donc non seulement le Conseil ne s’opposera pas, par principe, au mariage entre personnes de même sexe mais de surcroît il n’entendra pas non plus faire obstacle à son éventuelle abrogation. De surcroît, le juge refuse de statuer en opportunité sur des questions sociétales estimant qu’il ne dispose pas d’un pouvoir identique à celui du Parlement. Une seule réserve : l’abrogation ne doit pas priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. En ce sens l’abrogation est possible sans effet rétroactif. En revanche, heurterait la stabilité des situations juridiques acquises ou encore la liberté contractuelle la proposition qui transformerait les mariages homosexuels déjà conclus en unions libres sans le consentement des intéressés. La loi ne dispose que pour l’avenir : Elle n’a point d’effet rétroactif (art. 2 du code civil), sauf motif d’intérêt général impérieux, qui n’existe pas en l’occurrence. En d’autres termes, cette abrogation avec substitution d’un régime à un autre violerait la liberté du mariage constitutionnellement protégée par le Conseil constitutionnel.
Pascal Jan (directeur de la Prép'Ena à l'IEP de Bordeaux) pour La revue parlementaire, décembre 2012