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Le Maoccident porte haut la flamme de l'esprit français

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"Les idées sont encore des forces par elles-mêmes. Mais dans vingt ans ? Dans trente ans ?", s'alarmait Maurras en 1905, décrivant l'intelligence française comme "une ancienne reine détrônée", et pleurant le sort des plumes humiliées : "Un prolétariat intellectuel, une classe de mendiants lettrés comme on en a vu au Moyen Age, traînera sur les routes des malheureux lambeaux de ce qu'auront été notre pensée, nos littératures, nos arts." Un siècle plus tard, Jean-Claude Milner publie l'acte de décès : il n'y a plus de vie intellectuelle en France, dit-il, l'étude est proscrite, les êtres dévoués au savoir sont condamnés à la solitude, à la honte. Face à cette situation, le Maoccident porte haut la flamme de l'esprit français.Contre la pédagogie moderne, qui exige de l'école qu'elle reflète la société, il défend la dimension frondeuse du talent, le caractère rebelle de l'excellence. Aux intellectuels précarisés, ce maître penseur lance un appel à la mobilisation : "Aller là où les mènent les forces du savoir et de l'étude, sans craindre de déplacer les assis, de détrôner les puissants et d'exalter les méconnus." 
     Les maîtres, nous étions partis de là. Nous voici maintenant en mesure de percevoir le malentendu qui les a réduits au silence, ainsi que la vérité de leur enseignement. Eux qui sont censés incarner la gauche progressiste et soixante-huitarde, eux qu'on accuse désormais d'avoir trahi leur jeunesse, voilà qu'ils délivrent au contraire une leçon de fidélité. Depuis l'origine, ils n'auront jamais cessé d'articuler politique spirituelle et cléricalisme athée, passion de l'avenir et haine de la modernité. En bref, ils auront porté jusqu'à l'incandescence les deux faces de l'extrémisme français, gauche insurrectionnelle et droite révolutionnaire, élitisme de masse et populisme aristocratique, maoïsme ossifié et royalisme nébuleux. S'ils ne sont pas seuls à défendre les idées qui leur sont chères, ce singulier alliage leur donne une puissance de frappe dix fois supérieure à celle de leurs concurrents. 
     Les Maoccidents n'ont jamais été de gauche, on ne peut donc dire qu'ils ont viré à droite. Eux qui ont toujours vomi le progressisme, on ne saurait non plus les qualifier de "nouveaux réactionnaires". Parce que le sentiment qui les habite est moins la nostalgie recuite que l'enthousiasme ravageur, on ferait encore fausse route en les nommant "conservateurs". Mieux vaut alors parler de "néoconservateurs", puisque ce label désigne non pas des partisans du statu quo mais des révolutionnaires d'un genre inédit. Tels sont les Maoccidents. Des hommes d'ordre et d'indiscipline, qui ont tout autre chose en tête que la tranquillité sociale. Des aristocrates de plume et d'épée, qui se placent résolument à l'arrière-garde de l'avant-garde, comme disait Barthes. Des écrivains émeutiers, de ceux qui aiment jouer avec le feu, et qui préparent déjà la prochaine révolution culturelle. 

Jean Birnbaum, Les Maoccidents

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