Le débat autour du Traité budgétaire européen (TSCG) en France consistant à transférer à l’autorité supranationale de Bruxelles notre autonomie budgétaire renforce la fédéralisation de l’Union européenne (l’UE).
Le processus galope puisque le site de la Frankfurter Allgemeine Zeitung révèle que les chefs d’États et de gouvernements se rencontreront mi-octobre pour discuter de la mise en forme d’un budget unique pour toute la zone euro. Cette évolution très rapide en raison de la crise financière qui, décidément, rend bien des services aux partisans du fédéralisme, fait suite à un rapport publié le 17 septembre 2012. Sous l’égide du ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, et d’une kyrielle de ministres réunissant la Belgique, l’Autriche, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, la Pologne, les Pays-Bas et la France (qui n’avait qu’une position d’observateur), ce rapport est une véritable feuille de route permettant l’édification d’une Europe fédérale.
Il y est affirmé la volonté de renforcer l’union monétaire et économique, d’affermir la gouvernance économique en coordonnant les politiques entre les États avec création d’un budget intégré tout en améliorant les capacités d’intervention du Parlement européen. L’ensemble se doit d’être couronné par un Président de la Commission européenne directement élu et nommant les membres d’un gouvernement européen, le tout encadré par un Parlement européen doté du droit d’initier les lois et secondé par une seconde Chambre représentant les États-membres. Dans cette affaire, les autorités politiques allemandes mènent le bal et, qui plus est, depuis longtemps.
Dans le Spiegel du 30 avril 2001, le chancelier Schröder présentait déjà des buts similaires : fédéralisation de l’Union européenne selon les normes de la spiritualité politique germanique avec une Commission européenne transformée en gouvernement tout en étant épaulée par la création d’une Chambre d’États (Staatenkammer) véritable duplicata du Bundesrat (Haute-Chambre réunissant les 16 Länder). Ces affirmations ne sont que la conséquence d’un travail de longue haleine commencé en 1987.
Comme le rappelle le professeur en science politique, Rudolf Hrbek 1, c’est une résolution des Ministres-Présidents réunissant tous les Länder à Munich qui fixa en octobre 1987 un objectif intitulé Une Europe aux structures fédérales. Créant un groupe de travail chargé d’élaborer les structures politiques inspirées du modèle allemand, ces représentants surent poser les fondations permettant de préparer l’édification d’une Europe fédérale avec son premier marchepied : le Traité de Maastricht (1992).
En fait, pour comprendre la politique de l’Allemagne imposant — via la crise — son modèle politique et social en Europe, on peut établir un parallèle avec l’unification des Allemagnes au milieu du XIXe siècle. La Prusse du chancelier Bismarck, première puissance économique et démographique du monde germanique, sut imposer son modèle à la Bavière, à la Saxe ou encore au Pays de Bade, non pas au nom de la Prusse, mais sous le couvert de l’État allemand en cours de construction. La création du IIe Reich, en 1871, ne fut que la mise en forme d’une Prusse agrandie qui, se coulant dans les habits du jeune État allemand, fut en mesure de régenter ces royaumes et ces duchés germaniques devenus de simples provinces. Conservons le même raisonnement, mais à une échelle plus large.
L’Allemagne, profitant de ses atouts économiques et démographiques, impose son modèle à des « royaumes » affaiblis français, italien, espagnol, portugais, polonais, etc. qui, adoptant le modèle germanique, ses normes et ses règles officiellement européennes — mais en fait germano-européennes — basculent pour devenir progressivement des Länder du corps politique européen en cours d’unification.
Le processus en cours très éloigné de toute légitimité démocratique a pour but final de créer un bloc continental uni s’intégrant dans une gouvernance planétaire chère aux tenants du nouvel ordre mondial.
Pierre Hillard
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