Le résultat dans beaucoup de pays occidentaux est un désintérêt croissant pour la politique et un manque de confiance considérable à l'égard de ce que l'on appelle la classe politique des politiciens professionnels. On le voit notamment dans l'enquête sur les valeurs des Français publiée par MM Bréchon et Tchernia en 2009.
Dans le chapitre "Je vais bien, le système politique va mal", ces deux auteurs observent : "si les Français sont optimistes pour eux-mêmes (75% se disent très ou assez satisfaits de la vie !), ils sont très pessimistes sur l'état et le devenir du pays. La satisfaction sur la manière dont la démocratie fonctionne en France était déjà médiocre en 1999, elle est devenue franchement négative dix ans après : 60% se déclarent peu ou pas du tout satisfaits."
La moyenne des notes accordées au système politique actuel est de 3,9 sur 10 contre 4,7 il y a 9 ans. La note moyenne donnée par les Français sur leur satisfaction individuelle dans la vie est de 7 sur 10. Les auteurs résument : "les Français se sentent heureux mais la France va mal ! Une des explications possibles du phénomène réside dans le sentiment de maîtriser sa vie personnelle : même en situation pas très favorisée, beaucoup ont le sentiment de pouvoir construire des relations globalement satisfaisantes avec leur entourage, alors que la société et le système politique leur semblent anonymes et ingérables, et qu'ils se sentent sans prise sur l'évolution d'une société insécurisante."
C'est le point central : les Français ont le sentiment de ne rien maîtriser quant à leur destin collectif. Cela pose le problème de savoir ce qu'il en est en réalité de la démocratie. Car celle-ci est le régime qui prétend donner aux individus un rôle dans les décisions collectives. Or notre système de démocratie purement représentative échoue à donner un sentiment de participation aux citoyens. A l'inverse et à la différence de chez nous, 80% des Suisses se disent satisfaits de leur démocratie où la démocratie directe complète de façon importante la démocratie représentative.
Ce sentiment d'insatisfaction à l'égard du régime traverse en France toutes les couches de la société. Selon Pierre Bréchon, "on ne repère aucune différence selon le genre masculin ou féminin. Les différences selon l'âge sont limitées mais existent : les moins de 45 ans sont un peu plus pessimistes et critiques que les plus âgés."
Ce qui est frappant est que les individus semblent le plus considérer comme deux sphères étanches leur vie personnelle et leur investissement dans la société."Le bonheur serait dans la vie privée et la richesse des relations de proximité, avec des gens que l'on apprécie, tandis que la vie publique semble beaucoup plus dure et problématique." En conclusion, les auteurs écrivent : "Globalement, les Français n'apparaissent pas inquiets pour eux-mêmes, ils se disent heureux et en bonne santé. Leur inquiétude est en fait pour la société, qu'ils trouvent insécurisante et dont l'évolution semble non maîtrisable."
Yvan Blot, L'oligarchie au pouvoir