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L’autosuffisance 1/3

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Une autosuffisance relative est une autre condition préalable à une véritable démocratie. Il n’est pas étonnant que Thomas Jefferson ait considéré que des communautés autonomes devraient être largement autosuffisantes et qu’elles devraient au moins produire leurs propres nourriture, abris et vêtements. Cette étape est essentielle pour favoriser l’honnêteté, l’industrie et la persévérance sur lesquelles doit se construire la démocratie (Kemmis, 1990). Mahatma Gandhi est aligné sur la même pensée avec le principe de swadeshi, essentiel dans sa philosophie, qui enseigne d’utiliser ses propres ressources dans son propre environnement au lieu de les importer d’autres lieux.

Le Professeur Ray Dasmann de l’Université de Californie à Santa Cruz exprime la même chose autrement. Il oppose « l’homme d’écosystème » - qui vit de son écosystème local - à « l’homme de biosphère » - qui vit de l’ensemble de la biosphère. Pour lui notre société ne sera réellement durable que lorsque nous aurons réappris à devenir des « hommes d’écosystème ».

Les communautés traditionnelles sont tout à fait capables de vivre des ressources de leurs écosystèmes très durablement. Elles ont en outre développé des modèles culturels qui leur permettent de le faire. Contrairement aux sociétés basées sur l’exportation qui surexploitent les terres jusqu’à l’épuisement puis partent s’implanter ailleurs, ces communautés n’ont pas d’autre terre à leur disposition. Il devrait être évident que des gens ayant vécu au même endroit des centaines d’années aient développé des méthodes de production alimentaire leur permettant d’optimiser l’usage de leurs ressources, tout en ayant l’assurance de leur bonne utilisation. En d’autres termes, il devrait être évident que ces gens soient les seuls à posséder les connaissances et les capacités requises pour vivre sur leurs terres.

Les personnes ouvertes ayant étudié l’agriculture telle que pratiquée par les communautés locales dans les sociétés traditionnelles ont confirmé qu’il en est ainsi sur le terrain. Ce fut sans doute le cas des experts agricoles envoyés par le gouvernement britannique à la fin du 19ème, pour observer de quelle manière les méthodes agricoles pouvaient être améliorées. A.O. Hume et John Augustus Voelcker reconnurent tous les deux que l’agriculture indienne traditionnelle était parfaitement adaptée aux conditions locales et ne pouvait être davantage améliorée (Hume, 1878 ; Voelcker, 1893). A la consternation des autorités britanniques, Voelcker alla même jusqu’à dire qu’il lui serait plus facile de suggérer des améliorations à l’agriculture britannique qu’à l’indienne

Même la Banque Mondiale, fer de lance de la modernisation de l’agriculture des pays en voie de développement, admit dans l’un de ses rapports les plus connus que les petits exploitants africains étaient de remarquables gestionnaires de leurs propres ressources - Terres, capital, engrais et eau (The Wordl Bank, 1981). Pourquoi vouloir alors les moderniser et les pousser dans des bidonvilles ? La réponse est, comme le rapport l’admet totalement, « que l’agriculture de subsistance est incompatible avec le développement du marché », et le marché bien entendu est la priorité.

C’est pour cette raison que la communauté est la mieux conçue - comme cela fut toujours le cas pour les sociétés traditionnelles - en comprenant non seulement ses membres humains mais aussi l’écosystème et tous les êtres vivants qui en font partie. Wendell Berry observe exactement la même chose : « Si nous parlons d’une communauté saine, écrit-il, nous ne pouvons parler d’une communauté simplement humaine. Nous parlons d’un voisinage humain à un endroit, et aussi d’un lieu lui-même : le sol, l’eau, l’air et toutes les familles et tribus de créatures non-humaines qui lui sont liées. C’est seulement quand cette communauté dans son ensemble est en bonne santé que ses membres peuvent demeurer sains de corps et d’esprit de manière durable. »

Il en découle qu’une communauté humaine devrait avoir un accès exclusif à la richesse apportée par l’écosystème dont elle fait partie, l’ensemble constituant ce que Wendell Berry appelle « une vraie communauté ». Quand les communautés ne possèdent plus cet usage exclusif de leurs richesses, quand celles-ci ont été spoliées et offertes à tous, en particulier aux sociétés multinationales - situation semblant superficiellement hautement souhaitable et très « démocratique » - leur exploitation et leur rapide destruction devient inévitable. C’est précisément ce qui arrive lorsqu’est installée l’économie globale.

Cela nous amène à ce qui doit, peut-être, être l’argument le plus important pour un retour à une communauté basée sur l’économie locale. Si l’environnement mondial se dégrade si rapidement, proportionnellement à la réduction de sa capacité à subvenir aux besoins des formes vivantes complexes comme l’espèce humaine, il ne peut donc plus supporter l’impact actuel de nos sociétés économiques. Augmenter encore davantage cet impact, comme nous le faisons en créant une économie mondiale basée sur le libre-échange est à la fois irresponsable et cynique.

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