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La surenchère antieuropéenne de Londres

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Les conservateurs britanniques évoquent un retrait de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. 

Les tabloïds exultent. Le Daily Mailévoque un «triomphe» et «un grand jour pour la justice britannique» ; le Daily Express salue d'avance l'abolition d'une législation «honnie» sur les droits de l'homme. Deux ministres conservateurs de David Cameron se sont engagés dans la voie d'un retrait de la Convention européenne des droits de l'homme, retranscrite dans le droit local par une loi de 1998. Chris Grayling, le ministre de la Justice, a assuré qu'un gouvernement conservateur issu des urnes en 2015 reviendrait sur cette loi. La ministre de l'Intérieur, Theresa May, préparerait, pour sa part, l'introduction de cette réforme dans le programme tory pour 2015. 

Ces initiatives pourraient aboutir à affranchir le Royaume-Uni de la tutelle de la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, critiquée à intervalles réguliers par le gouvernement. La Cour est accusée de s'immiscer dans les affaires intérieures du pays, notamment par sa décision l'obligeant à accorder le droit de vote aux prisonniers - à laquelle Londres résiste toujours - ou en annulant des mesures d'extradition de terroristes supposés. David Cameron avait tenté l'an dernier de lancer une réforme de son fonctionnement, sans succès. Après l'annonce en janvier d'un référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne, c'est donc une autre institution européenne qui pourrait être jetée aux orties. 

La percée électorale des europhobes 
Le timing de cette nouvelle campagne n'est pas anodin. Elle intervient au lendemain d'une élection législative locale, à Eastleigh, dans le sud de l'Angleterre, où la candidate conservatrice est arrivée troisième derrière le libéral-démocrate élu et, surtout, derrière la candidate de l'United Kingdom Independence Party (UKIP), europhobe, qui s'est arrogé 28 % des voix. Les tories redoutent de plus en plus la menace de ce parti souverainiste qui pèse sur leurs chances de réélection en 2015. Ils se livrent donc à une surenchère anti-européenne aux accents parfois xénophobes. 

Le spectre d'une déferlante d'immigrés roumains et bulgares l'an prochain, après la levée de restrictions à la liberté de circulation en Europe est agité quotidiennement. Et cette tentation de la chaise vide dans les institutions européennes des droits de l'homme n'a d'autre objectif que de flatter cet électorat. «Ce serait un engagement crucial pour convaincre de nombreux électeurs d'élire un nouveau gouvernement conservateur aux prochaines élections», veut croire Nick De Bois, secrétaire général d'un comité d'élus torys au Parlement. 

«Churchill doit se retourner dans sa tombe» 
S'il ne s'est pas prononcé sur ce sujet, Cameron a néanmoins refusé ce week-end les pressions de ses troupes pour un «coup de barre à droite». La défaite de son parti à Eastleigh risque pourtant d'ouvrir la voie à une contestation croissante de son leadership d'ici aux élections générales. 

L'attaque de ses ministres contre la Cour européenne des droits de l'homme se heurtera cependant à la résistance des alliés libéraux-démocrates de la coalition gouvernementale. Des voix s'élèvent pour s'inquiéter de l'atteinte portée à l'image internationale du Royaume-Uni comme patrie des droits de l'homme. Seule la Biélorussie refuse d'adhérer à la Convention européenne des droits de l'homme. «Churchill doit se retourner dans sa tombe en voyant ses héritiers conservateurs défaire son héritage», ironise dans The IndependentShami Chakrabarti, directeur de l'association Liberty.

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