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A lire : Faut-il sortir de l'euro ? par Jacques Sapir

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De la Grèce à l'Italie, en passant par l'Irlande, le Portugal et l'Espagne, la zone euro est désormais en feu. Les États ne cessent d'emprunter à des taux de plus en plus élevés et les contrats d'assurance sur les dettes, qu'elles soient publiques ou privées, voient le montant de leurs primes s'envoler. L'euro aujourd'hui se meurt. Tout cela avait été prévu il y a de cela plusieurs mois, voire plusieurs années. Mais Cassandre ne saurait se réjouir de voir ses prévisions se réaliser. On comprend que la mort de l'euro, du fait de l'entêtement imbécile de nos dirigeants et de leur incapacité à prévoir une sortie ordonnée - ce qui serait pourtant encore possible aujourd'hui -, nous condamne très probablement à un saut dans l'inconnu. 
     L'Histoire mesurera la responsabilité de nos gouvernements qui, par idéologie, par conformisme et parfois par lâcheté, ont laissé la situation se dégrader jusqu'à l'irréparable. Elle dira aussi l'immense culpabilité de ceux qui, dans les capitales nationales comme à Bruxelles ou à Francfort, ont cherché à imposer en contrebande une Europe fédérale par le biais de la monnaie unique à des peuples qui n'en voulaient pas. Aujourd'hui, ce n'est pas seulement l'euro, cette construction boiteuse et contrefaite, qui agonise. C'est aussi une certaine conception de l'Europe. 
     La victoire provisoire des "cabris", de ceux qui pour reprendre la phrase célèbre du général de Gaulle s'en vont criant "l'Europe ! l'Europe !" en sautant sur des chaises, se paye aujourd'hui au prix fort. Si nous ne voulons pas en revenir à une Europe du conflit "de tous contre tous", il nous faudra réapprendre les principes de la coordination entre nations souveraines, qui sont les berceaux de la démocratie, sur les ruines d'une coopération que l'on a voulu construire sur le mépris de l'opinion des électeurs. La crise actuelle solde à la fois les erreurs d'une financiarisation à outrance voulue à la fois par la droite et la gauche parlementaires, et la faute politique que furent le traité de Lisbonne et le déni de démocratie qui suivit le référendum sur le projet de traité constitutionnel en 2005.
     En effet, à peine nos gouvernants ont-ils le sentiment d'avoir apporté un remède, ne serait-ce que temporaire, à l'un des pays que la crise se précise sur un autre. Les banques européennes sont ainsi dans l’œil du cyclone et elles ont subi de lourdes pertes quant à leur capitalisation depuis le début du mois d'août 2011. L'incertitude quant à leur solvabilité ne cesse de monter. Elle est à la mesure de l'erreur, et c'est un euphémisme, qui fut commise au début du printemps 2011 quand les "tests de résistance" (ou stress tests) réalisés à l'époque ont omis dans leurs hypothèses d'intégrer un possible défaut d'un pays de la zone euro. Nous payons cher cette erreur ! Il est probable que celle-ci rende inévitable une nationalisation temporaire, partielle ou totale, de nos systèmes bancaires. 
     Après la Grèce, désormais condamnée au défaut et à une dévaluation, et saignée à blanc par une répétition insensée de plans d'austérité qui fut dénoncée par l'économise en chef de Natixis (P. Artus), ce sont l'Italie et l'Espagne qui donnent des signes de faiblesse. En Italie, en dépit de la multiplication de plans d'austérité, la dette n'en finit pas d'augmenter tandis qu'inexorablement monte le flot du chômage en Espagne. Le Portugal s'enfonce quant à lui dans une crise sans issue et la France elle-même est mise en cause. 
     Les sceptiques les plus endurcis doivent donc l'admettre dans les tréfonds de leur cœur. Au-delà de la crise de chaque pays,qui s'explique par des raisons à chaque fois spécifiques, au-delà de la crise de gouvernance de la zone euro, certes prévisible mais qu'exaspère une opposition entre l'Allemagne et la France, c'est bien la monnaie unique, l'euro lui-même, qui est en crise.
     Cette crise était en fait prévisible depuis de nombreuses années, car les défauts structurels de la zone euro étaient notoires et bien connus des économistes, y compris des partisans de l'euro.

Faut-il sortir de l'euro ?, Jacques Sapir

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