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«Baby Loup est un coup de semonce pour les législateurs»

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L'avocat spécialisé en droit social Bastien Ottaviani décrypte la décision de la Cour de cassation, qui pourrait permettre définir le champ d'application de la laïcité dans le monde du travail. 

La Cour de cassation a annulé mardi le licenciement d'une employée voilée de la crèche privée Baby Loup, dans les Yvelines, estimant que cela constituait «une discrimination en raison des convictions religieuses». 
Pour Bastien Ottaviani, avocat spécialisé en droit social au sein du cabinet Vaughan, cet arrêt pourrait permettre aux législateurs de mieux définir le champ d'application de la laïcité dans le monde du travail.  

Comment expliquer cette décision de la Cour de cassation ? 
Bastien Ottaviani : Dans l'arrêt rendu en octobre 2011, la Cour d'appel de Versailles s'était raccrochée au principe de neutralité des agents du service public et s'en était servi pour faire un amalgame entre les enseignants (public) et le personnel des crèches (privé). Ce qui rendait cette décision fragile. La Cour de cassation s'est engouffrée dans cette faille, arguant que le principe de laïcité applicable aux agents du service public n'est pas transposable aux salariés du privé, secteur dans lequel les principes de non-discrimination et liberté religieuse dominent. 

Dans un deuxième temps, la Cour de cassation rappelle les conditions selon lesquelles un employeur peut restreindre les libertés - notamment religieuses - de ses salariés. Ces restrictions doivent être justifiées par la nature de la tâche (une personne qui travaille sur des machines avec des engrenages ne peut par exemple pas venir travailler voilée) et proportionnées au but recherché. Mais surtout, la Cour met en avant une nouvelle condition: la restriction doit «répondre à une certaine exigence professionnelle essentielle et déterminante». 

Que va-t-il se passer maintenant ? 
Le cas va être renvoyé à la Cour d'appel de Paris, qui va statuer de nouveau. Au regard des règles édictées par la Cour de cassation, elle va conclure soit que le licenciement est discriminatoire et donc nul, soit que «l'exigence professionnelle essentielle et déterminante» est remplie puisque des jeunes enfants ne viennent pas dans cette crèche «Baby Loup» pour être confrontés à une religion ou à une autre. Il va falloir compter au moins deux ans avant une nouvelle décision, voire davantage au vu du retentissement médiatique et politique de l'affaire. 

Que pensez-vous des réactions politiques, notamment celle du ministre de l'Intérieur Manuel Valls qui regrette «cette mise en cause de la laïcité»? 
Si le gouvernement s'émeut de cette décision, et que cela entraîne une prise de conscience, ce n'est pas une mauvaise chose. Car il faut donner aux juges les bons outils. Cette affaire est un coup de semonce aux législateurs qui permet de leur faire comprendre qu' il y a un principe de laïcité sur lequel tout le monde est d'accord mais qui ne permet pas de traiter toutes les situations. Elle pourrait donc donner une impulsion, pousser le gouvernement à faire cet ajustement et mieux définir les principes de laïcité dans la sphère du travail. Mais cela va prendre du temps, car il faudra savoir placer le curseur entre la liberté individuelle et la liberté collective.

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