Parce que j’ai toujours eu un petit côté masochiste, j’ai décidé d’annoncer aux riverains de Rue89 pourquoi je ne voterai plus à gauche.
On me répondra immédiatement que ce n’est pas une grande perte : au fond de moi, je n’ai jamais été de gauche. Comment être de gauche quand on travaille pour le grand capital, et quand on a un mari chef d’entreprise ?
Alors oui, je cumule les tares : je travaille en banque, mets mes enfants en école privée, mon mari est chef d’entreprise et surtout nous avions dépassé le fameux seuil au-delà duquel François Hollande déclarait un ménage « riche ». Mais nous y avons cru.
Pourtant, nous votons à gauche après avoir, durant cinq ans, eu honte de la violence de Sarkozy, des excès de l’UMP, du débat sur l’identité nationale, des inepties de Morano, des débordements de Hortefeux…
Nous ne voulions pas de cette France-là, où l’on dresse les Français qui travaillent contre ceux qui en cherchent, les Français de nationalité contre les immigrés, les travailleurs du privé contre les fonctionnaires…
Dans notre situation, voter Hollande, c’était se tirer une balle dans le pied
Alors oui, nous savions que nous allions nous tirer une balle dans le pied en votant Hollande. Nous savions que nous allions payer plus d’impôts, que l’activité économique dans nos secteurs d’activité allait ralentir.
Mais nous étions convaincus qu’il y aurait redistribution envers ceux qui en avaient besoin. Dans le désordre : les retraités au minimum vieillesse, les Roms, les salariés au smic, les malades qui n’ont pas accès aux soins… Bref que ça allait changer !
On ne vote pas pour des avantages catégoriels, mais pour un changement de société, pensions-nous naïvement. Et puis j’ai déchanté. Mon foyer est devenu le foyer envers lequel le gouvernement se permet toutes les insultes, toutes les injustices, tous les amalgames.
Quel mépris pour les chefs d’entreprise, les classes moyennes que les politiques aiment tant à citer, les foyers qui gagnent pas trop mal leur vie, les propriétaires, les investisseurs…
Je suis devenue, en fait, la Rom de Hollande
Comme en miroir de la violence d’une partie de l’UMP envers ceux que nous considérions fragiles, la gauche aujourd’hui nous envoie cette brutalité en plein visage. Je suis devenue, en fait, la Rom de Hollande.
Chaque jour, des mesures toujours plus vexatoires s’ajoutent à la liste
- plafonnement de la part fiscale du troisième enfant ;
- suppression de l’abattement forfaitaire de 10% pour les rémunérations des gérants ;
- diminution de la déduction possible pour les emplois familiaux ;
- augmentation des charges des professions libérales ;
- plafonnement des chevaux fiscaux pour les indemnités kilométriques ;
- suppression probable de la demi-part accordée quand un enfant est étudiant…
Les riverains auront tôt fait d’ironiser sur les pleureurs que nous sommes, mais notre foyer emploie trois personnes, dont deux temps plein.
Ces salauds de riches créent de la richesse !
Ce que la gauche au pouvoir ne comprend pas, c’est que les victimes collatérales de cette politique sont les personnes que nous employons, les commerces locaux délaissés pour des grandes surfaces moins chères, les associations à qui nous donnons lorsque la situation est plus florissante…
Eh oui, ces salauds de riches, ben justement ils créent de la richesse !
Il est devenu évident que la gauche a suivi l’UMP sur la voie de la division :
- on augmente une prime de rentrée scolaire mais on parle de supprimer les allocations familiales pour certains foyers ;
- on rembourse l’IVG à 100%, mais on sort l’hypertension de la liste des affections de longue durée (ALD) ;
- on supprime le jour de carence des fonctionnaires, mais on en laisse trois aux salariés du privé (allez savoir pourquoi, pour eux ce n’est pas humiliant).
Je parle de cela d’un ton léger, mais il est triste de se sentir de plus en plus étranger à son propre pays, quand il nous demande de contribuer à l’effort national sans jamais nous entendre.
Pour la première fois est né chez moi un sentiment d’appartenance à une certaine classe sociale dont je me sens proche dans les préoccupations.
Je comprends aussi mieux Depardieu lorsqu’il dit quitter la France davantage à cause du « climat » qui y règne qu’à cause de la fiscalité. Participer, bien sûr ! Mais être méprisé à longueur de temps est intolérable.
Finalement, s’il faut, pour être entendu, bénéficier d’un ministère dédié, comme le prouve la suppression du jour de carence des fonctionnaires, à quand un ministère des Classes moyennes ?
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