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Contrer la révolution

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"Le rétablissement de la monarchie, qu'on appelle contre-révolution, ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la révolution." Ainsi s'exprimait Joseph de Maistre en 1797, portant sur les fonts baptismaux une expression promise à une longue et orageuse postérité. Un courant de pensée trop souvent réduit aux caricatures et aux dérives extrémistes qui entachent son histoire : violence ligueuse, xénophobie, fourvoiement de Maurras et d'une partie des siens sous le régime de Vichy. Cette anthologie n'a cependant pas l'ambition de convoquer au tribunal de l'Histoire ces artisans du déshonneur qui, venus des rangs monarchistes, profitèrent de la défaite pour solder leurs comptes avec la république. Elle vise plus modestement à restituer dans toute sa richesse et sa diversité une tradition irréductible aux classifications simplificatrices. 

Dans la première moitié du XIXe siècle, la contre-révolution est philosophique (Maistre, Bonald) et littéraire (Chateaubriand, Balzac, Barbey d'Aurevilly). Après 1848 vient le temps du catholicisme social, qui fut en France, avant tout, l'oeuvre de royalistes légitimistes. Le marquis de La Tour du Pin, le comte Albert de Mun mais aussi le futur maréchal Lyautey s'illustrent dans cette démarche nourrie autant de politique que de religion. 

Néanmoins les temps sont durs pour les contre-révolutionnaires : en 1892, le pape Léon XIII, tout en encourageant le catholicisme social, incite au ralliement au régime républicain, conseil que suivront des personnalités aussi importantes qu'Albert de Mun. Edmond Michelet, passé de l'Action française à la démocratie chrétienne, puis ministre du général de Gaulle, fera remarquer que ce dernier connaissait mieux La Tour du Pin que Marx, d'où son intérêt pour la "participation". 

A partir de 1899, le flambeau de la contre-révolution est progressivement relevé par l'Action française. Son théoricien, Charles Maurras, pourfendeur du jacobinisme centralisateur et du romantisme littéraire, s'illustre par sa violence polémique et sa volonté d'en découdre avec la république. La greffe nationaliste sur le vieux fond royaliste ne se fait pas sans déboires : l'Action française est condamnée par le Vatican en 1926 et désavouée en 1937 par le prétendant au trône de France, le comte de Paris. 

Si Charles Maurras, bien que germanophobe, soutient le régime de Vichy, tous les contre-révolutionnaires, même maurrassiens, ne partagent pas son analyse : Daniel Cordier, Honoré d'Estienne d'Orves, Claude Roy ou Maurice Clavel sont parmi les premiers combattants de la France libre. Comme l'a écrit François Mauriac, "l'Action française est un rond-point tragique d'où partent en étoile des destins"

La contre-révolution ne se relèvera pas de la compromission de certains et des rigueurs de l'épuration. Après la guerre, la survivance de cette sensibilité est portée par des individualités brillantes comme le philosophe Pierre Boutang ou l'historien Philippe Ariès (premier éditeur de Michel Foucault). Mais elle est surtout présente dans la littérature, avec des écrivains déjà reconnus comme Jean de La Varende et Jacques Perret ; avec les "hussards" emmenés par Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon. 

Opposés à la littérature "engagée" de Sartre, ils collectionnent les prix littéraires et plusieurs d'entre eux sont élus à l'Académie française. Quelques jeunes plumes issues de cette mouvance se signalent aujourd'hui dans la presse ou l'édition, entre anarchisme chrétien et dandysme hussard. Toujours à contre-courant, les maîtres de la contre-révolution ont voulu incarner le versant chevaleresque de l'esprit rebelle français. 

Jérôme Besnard pour Le Monde

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