Ce qui s'est figé en un environnement, c'est un rapport au monde fondé sur la gestion, c'est-à-dire sur l'étrangeté. Un rapport au monde tel que nous ne sommes pas faits aussi bien du bruissement des arbres, des odeurs de friture de l'immeuble, du ruissellement de l'eau, du brouhaha des cours d'école ou de la moiteur des soirs d'été, un rapport au monde tel qu'il y a moi et mon environnement, qui m'entoure sans jamais me constituer. Nous sommes devenus voisins dans une réunion de copropriété planétaire. On n'imagine guère plus complet enfer.
Aucun milieu matériel n'a jamais mérité le nom "d'environnement", à part peut-être maintenant la métropole. Voix numérisée des annonces vocales, tramway au sifflement si XXIe siècle, lumière bleutée de réverbère en forme d'allumette géante, piétons grimpés en mannequins ratés, rotation silencieuse d'une caméra de vidéo-surveillance, tintement lucide des bornes de métro, des caisses du supermarché, des badgeuses du bureau, ambiance électronique de cybercafé, débauche d'écrans plasma, de voies rapides et de latex. Jamais décor ne se passa si bien des âmes qui le traversent. Jamais milieu ne fut plus automatique. Jamais contexte ne fut plus indifférent et n'exigea en retour, pour y survivre, une si égale indifférence. L'environnement, ce n'est finalement que cela : le rapport au monde propre à la métropole qui se projette sur tout ce qui lui échappe.
comité invisible, L'insurrection qui vient