Combien coûterait une sortie du nucléaire en France ? Quel en serait l'impact sur la facture d'électricité ?
En la matière, deux scénarios sont possibles. Le premier à consiste à sortir du nucléaire sur un délai à évaluer mais qui pourrait se situer dans les 20 à 35 ans à venir. Le second revient à continuer la production d'énergie nucléaire tout en développant les énergies renouvelables pour en comparer les coûts. Seule une analyse macroéconomique peut comparer les coûts de production différentiels en termes d'emploi, d'investissements pour le renouvellement des centrales ou de fabrication des structures nécessaires aux autres énergies. Les investissements pour les renouvelables pourront prendre du temps, certaines études allemandes montrent que le surcoût pour une famille s'élèverait à quelques euros par mois, en tout cas des sommes relativement modestes par rapport au bénéfice que l'on peut en tirer.
Votre association prône le développement d'un politique de sobriété et d'efficacité énergétiques pour sortir du nucléaire. Pouvez-vous nous expliquer en quoi cela consiste ? Quelles seraient les économies d'énergie espérées par ces dispositions ?
On distingue sobriété et efficacité. La sobriété consiste à utiliser de manière raisonnable un certain nombre d'équipements consommateurs d'énergie et ainsi éviter les gaspillages. Il s'agit de diminuer leur temps de mise en marche : par exemple, une télévision est allumée en moyenne six heures par jour alors que le temps passé devant s'élève en moyenne trois heures et quarante minutes. On peut également mutualiser leur utilisation par du covoiturage par exemple. Il y a en effet une certaine démesure à continuer à rouler en ville dans des véhicules d'environ 1 400 kg pour transporter une personne qui en fait 60 alors que la fin du pétrole est relativement proche. On pourrait également adapter les équipements et faire ainsi des gains phénoménaux en énergie. L'efficacité signifie le rendement de l'appareillage, elle consiste à réduire le plus possible les pertes par rapport à la ressource utilisée. Elle peut, la plupart du temps, être optimisée par l'éco-conception du produit concerné. L'efficacité en énergie dite "finale" permet de mieux utiliser les ressources de l'environnement : par exemple, le seul fait de concevoir correctement une habitation en tenant compte de l'orientation (donc de l'ensoleillement) diminue de 15 à 30 % les besoins de chauffage.
Les NégaWatts caractérisent l'énergie non consommée grâce à un usage plus sobre et plus efficace de l'énergie. Renverser ainsi notre regard habituel sur l'énergie revient simplement à nous interroger sur "comment mieux la consommer" avant de décider "comment en produire plus".
L'ensemble des pertes du système de production électrique français à base thermique (uranium, gaz ou charbon) s'élève à 900 milliards de kW pour l'ensemble de nos centrales. Cela représente plus que le chauffage de tous les bâtiments de France. Le nucléaire pâtit également intrinsèquement d'un très mauvais rendement depuis la ressource initiale en uranium jusqu'à l'électricité, avec un très fort gaspillage et une non-utilisation de la chaleur correspondante. En effet, il n'y a aucune cogénération possible (production d'électricité en récupérant la chaleur perdue par les centrales de production d'électricité) dans de très gros équipements comme les réacteurs EPR.
Le développement et la maîtrise de la fusion nucléaire changeraient-ils la donne ?
Cela ne changera rien et NégaWatt s'oppose à ce programme pour trois raisons. Tout d'abord, la fusion se veut une réponse pour le XXIIe siècle alors qu'il y a des incertitudes quant au XXIe siècle. Ensuite, des ressources et crédits de recherche tout à fait considérables sont mobilisés alors qu'ils pourraient être affectés ailleurs. Enfin, un excellent réacteur de fusion situé à 150 millions de kilomètres d'ici existe déjà. Ce dernier traite ses propres déchets et nous envoie une énergie extrêmement bien répartie et gratuite sur toute la planète. C'est le soleil dont on connaît déjà de nombreuses possibilités d'utilisation pour produire de l'énergie.
Thierry Salomon, président de l'association NégaWatt, Regards sur l'actualité n° 373