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Le juge, le militant, l’action et le port d’armes

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A l’heure de l’action militante, des gardes à vues et contrôle d’identité, il importe de revenir quelques instants sur une arme à la libre disposition des juges : celle du port d’arme. En effet, c’est une infraction que d’être trouvé dans la rue, qui plus est à l’occasion d’une manifestation, porteur d’une arme… Il convient donc de s’intéresser à plusieurs articles de loi pour mieux savoir à quoi nous nous exposons à l’occasion de nos diverses activités… Il faut d’abord évoquer la notion d’arme de guerre (hé oui !) telle qu’elle résulte du code de la défense et du code pénal ; après cela nous pourrons en tirer quelques conclusions pour l’action… 

La notion d’arme dans la législation
La notion d’arme est d’abord évoquée au sein du code de la défense, qui évoque les « Matériels de guerre, armes et munitions soumis à autorisation ». La réglementation évolue au cours de l’été et une nouvelle classification des armes sera en place en septembre. Jusqu’à ce jour, l’article L. 2331-1 du code de la défense répartit ces armes et matériels de guerre dans huit catégories, celle nous intéressant le plus étant la 6e, constituée des « armes blanches » ; la nouvelle classification remplacera ces huit catégories, par les groupes A, B, C et D, cette dernière nous intéressant car visant les « armes et matériels dont l’acquisition et la détention sont libres ». Les dispositions pénales relatives à ces armes sont fixées dans le code de la sécurité intérieure qui prévoit que « Quiconque, hors de son domicile est trouvé porteur ou effectue sans motif légitime le transport de matériels de guerre, d’une ou plusieurs armes, même s’il en est régulièrement détenteur, est puni : 3° S’il s’agit d’armes, de munitions ou de leurs éléments de la catégorie D soumis à enregistrement, d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende » (art. L. 317-8) ; l’article suivant précisant que si cette infraction est effectué par au moins deux personnes, les peines prévues sont doublées (donc ici ; deux ans de prison et 30.000 € d’amende, art. L. 317-9). Le passage des 8 catégories aux quatre groupes ne change rien pour ce qui nous concerne, les sanctions restant identiques. 

Le port et le transport
A ce stade, c’est la notion de port ou de transport qui doit être précisée. Une arme peut être considérée comme portée si elle est accessible et peut fonctionner dans l’immédiat ; au contraire, si elle n’est pas libre d’accès ou qu’elle ne peut fonctionner immédiatement, il s’agira d’un transport. La liste de ce qui doit être considéré comme une arme a été établie par le décret n° 95-589 du 6 mai 1995, dont l’article 2 mentionne« tous objets susceptibles de constituer une arme dangereuse pour la sécurité publique, et notamment les baïonnettes, sabres-baïonnettes, poignards, couteaux-poignards, matraques, casse-tête, cannes à épées, cannes plombées et ferrées, sauf celles qui ne sont ferrées qu’à un bout, arbalètes, fléaux japonais (nunchaku), étoiles de jets, coups de poing américains, lance-pierres de compétition, projecteurs hypodermiques ». Pour les non-juristes, faisons attention à l’emploi de l’adverbe « notamment », lequel signifie que la liste n’est pas exhaustive et que tout ustensile estimé « dangereux pour la sécurité publique » peut se voir qualifié d’arme et faire courir à son détenteur le risque de la sanction évoquée… 

L’arme dans le code pénal
La lecture du code pénal s’avère maintenant nécessaire ! Selon son article 132-75 « est une arme tout objet conçu pour tuer ou blesser », mais aussi « tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu’il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu’il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer » et enfin « est assimilé à une arme tout objet qui, présentant avec l’arme définie au premier alinéa une ressemblance de nature à créer une confusion, est utilisé pour menacer de tuer ou de blesser ou est destiné, par celui qui en est porteur, à menacer de tuer ou de blesser ». Là encore, l’explication de texte est nécessaire… L’arme peut donc être une arme par destination ou par nature. Une arme par nature est un objet que l’activité humaine a destiné à constituer une arme ; sa nature est donc d’être une arme (ex. ; un revolver ou un couteau…). L’arme par destination est un objet qui ne prend ce caractère d’arme qu’eu égard à l’usage que l’on en fait ou à l’intention que l’on a d’en faire usage ; il peut donc s’agir de tout objet professionnel ou de loisir dont on se sert normalement à des fins non agressives, mais qui devient une arme lorsqu’il sert pour tuer ou blesser. Dans une rixe ou à l’occasion d’une interpellation, le fait de détenir un objet susceptible d’être qualifié d’arme constitue donc une circonstance aggravante : ex. : coups et blessures volontaires, avec arme… Si l’on ajoute que l’on est souvent plusieurs à être interpellé, cela peut devenir : coups et blessures volontaires, avec arme, en réunion… Si l’on s’est donné rendez-vous par mail ou sms avant l’événement en cause, cela peut alors être : coups et blessures volontaires, avec arme, en réunion et avec préméditation… Et enfin, si l’on a eu le bon goût de se dissimuler le visage (type Hommen, mais cela peut viser aussi un chèche…), on peut ajouter cette infraction (certes ce n’est qu’une contravention d’un montant maximum de 150€, mais bon…). 

Les belles histoires de M. le juge
Ces éléments de droit étant rappelés, il convient de voir comment nos bons juges ont apprécié la notion d’arme et spécialement d’arme par destination ! La lecture attentive de la jurisprudence nous donne une sorte d’inventaire à la Prévert ! Ont été considérés par le juge comme des armes les objets suivants : couteau-poignard (logique !), pistolet d’alarme, bombe lacrymogène, tronçonneuse en marche (!), nerf de bœuf, tube d’acier ou métallique, barre à mine, batte de base-ball, fronde et billes, marteau, fourche, serpe. A cette liste peut être ajoutée : rondin en bois, pieds de chaise, bâton, tabouret de bar, drapeau de juge de touche et encore casque de moto, trousseau de clefs, verre, bouteille, chaussures (notamment les coques ou les talons), ceinture (spécialement les triplex) ou bagues… Bien évidemment, des galets déversés sur la chaussée, pierres, pavés ou billes de plomb peuvent aussi être ainsi qualifiés (et tout ce qui peut servir de projectile)… Pour tous ces objets c’est la volonté de son détenteur de s’en servir pour une agression corporelle qui joue ou même la possibilité qu’il en use ainsi… 

On relèvera enfin que dans un premier temps, l’appréciation de « l’atteinte à la sécurité publique » dépend des forces de l’ordre qui choisissent d’interpeller ou pas, de contrôler l’identité ou pas… Dans un second temps, c’est le juge qui déterminera s’il y a présence d’arme de 6e catégorie ou non, selon les faits relevés. Le juge tiendra alors compte des éléments du dossier : constatation des agents de la force publique, photographie, film, vidéo, témoignages, aveux de prévenus (surtout n’avouez jamais, sauf flagrance ; dites-en le moins possible, gardez le silence et n’oubliez jamais que ce n’est pas une infraction de ne pas avoir de mémoire). Il est certain que la nature de l’objet est déterminante : une hampe de drapeau ou une canne de marche peut légitimement être entre les mains d’un manifestant, il n’en est pas de même d’une batte ou d’une barre de fer… De même des conditions du transport : un lot de barres de fer ou de manches de pioche transportés dans le coffre d’une voiture ou la possession sur soi d’un sac rempli de cailloux ou de billes de plomb sera éminemment suspect. 

Quelles leçons tirer pour l’action de ces éléments ?
Tout d’abord, lorsque l’on réalise des actions non violentes, de type festive, des flash-mobs ou happenings que l’on souhaite médiatiser, il importe absolument d’être « propres » ! Pas de lacrymo ni de canif (la question de la taille de la lame et du travers de la main ne correspond à aucune réalité juridique), pas de ceinture à grosse boucle, ni de bouteille dans le sac ou de canette… Rien ; rien de rien, non je ne porterai rien… Le juge est susceptible de retenir tout et n’importe quoi contre vous : à titre d’exemple précis et récent, on relèvera que l’Hommen poursuivi pour avoir pénétré sur le cours central à Roland-Garros, l’était pour violences avec armes et cela au regard du fumigène qu’il portait en main ; si l’affaire semble se dégonfler, cela illustre bien la toute puissance des magistrats sur la qualification des faits et les poursuites… 

L’autre hypothèse réside dans le recours à la violence active contre le système. Outre que nous ne pouvons que déconseiller cela, notez qu’alors, c’est la discrétion et le silence qui s’imposent et qu’en tout état de cause on n’est trahi que par ceux en qui on a confiance… 

Le rouge et le noir

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