En contrée progressiste, la réussite est pour l'incapable une provocation. Qu'un riche soit dérobé par des "malheureux" est presque un juste retour des choses. Même chose pour le viol : cette femme était provocante. Elle l'a cherché. C'est une "chienne". C'est ce que disent les jeunes, qui n'ont "pas conscience de leurs actes". Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font. En revanche, le salaud qui ose se défendre n'est pas censé ignorer ce qui l'attend. La défense de ses biens est interdite. René Galinier, retraité héraultais coupable d'avoir abattu sa cambrioleuse en 2010 n'a pas bénéficié de la Castle doctrine, en usage aux Etats-Unis. Mais c'est bien connu : les Américains sont des imbéciles. Quand on a une bonne morale à la française, on ne se défend pas, Môssieur. On encense son bourreau.
En France, une femme qui résiste à son violeur est priée de ne pas le blesser, tout en se défendant quand même. La femme qui a l'outrecuidance de ne pas résister correctement, sous prétexte de paralysie émotionnelle, peut basculer du statut de victime à celui de trainée. Une certaine femme de chambre new-yorkaise en sait quelque chose.
Juillet 2011. A Avignon se tient le procès d'une trentaine d'individus âgés de 16 à 22 ans. Ils sont accusés de séquestration et de viol en réunion sur une mineure de moins de 14 ans. Le "cauchemar" de la victime, qui est exhibée, filmée, et prostituée, dure un mois. Pour le psy, le viol est un "rite initiatique" de jeunes qui ne sont pas "armés pour anticiper la relation avec cette jeune fille". Ils n'ont donc pas reçu "la contrainte situationnelle". La contrainte situationnelle. Ravalez votre vomi, ce n'est pas le meilleur : toujours selon le psy, la jeune fille a ressenti pendant son calvaire "une forme de plaisir affectif". Elle a aimé ça.
Les violeurs ? Ils ne "présentent aucun risque de récidive". Que demande le peuple ?
La destruction de la victime n'est pas terminée. Un avocat ira jusqu'à dire qu'elle "s'exprime avec son cul". Une femme violée par une meute s'exprime avec son cul. A-t-on entendu à ce sujet la moindre réaction des féministes ? Cette affaire a-t-elle fait l'ouverture des journaux télévisés ? Personne n'en a entendu parler. Personne. Parce que la compétition morale a ses petites priorités. On a beau défendre les femmes, on défend d'abord les moins égaux. Les violeurs sont beaucoup moins égaux que les autres. Entendre la détresse des victimes n'intéresse personne. Dans la compétition morale, ça ne rapporte pas de points. Le verdict ? "Mesuré". Comprenez, trois ans de prison au maximum, entre les sursis, les aménagements et les remises de peine (Valeurs Actuelles, 31/08/11).