L'idée fait progressivement son chemin. Jeudi dernier, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif n'exclut pas de nationaliser le site sidérurgique lorrain de Florange qui appartient au groupe indien Mittal. "Une prise de contrôle public temporaire est une option parfaitement raisonnable, qui est en train de s'imposer, parce qu'elle est à coût nul pour le contribuable, qu'elle est respectueuse de l'Etat de droit français et européen", a expliqué le ministre lundi en marge d'une visite de l'usine Duralex à La Chapelle Saint-Mesmin, près d'Orléans.
Le soutien de Thierry Breton
Non officiellement soutenu par Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie, et Michel Sapin, le ministre du Travail, Arnaud Montebourg a reçu aujourd'hui le soutien de Thierry Breton, l'ancien ministre de l'Economie du gouvernement dirigé par Dominique de Villepin ente 2005 et 2007 dans un entretien accordé aux Echos.
Cette idée est-elle si absurde sachant que cette nationalisation ne serait que temporaire, le temps qu'un éventuel actionnaire privé initialement minoritaire, augmente progressivement sa participation dans le capital de l'entreprise ?Une chose est certaine, le ministre du Redressement productif veut à tout prix réussir là où Nicolas Sarkozy a échoué. Malgré ses promesses, l'ancien président de la République qui avait fait du sauvetage de Gandrange - un autre site lorrain de production sidérurgique appartenant à Mittal, distant d'une dizaine de kilomètres de Florange - n'avait pu éviter la fermeture de l'usine.
Autre certitude, les experts du secteur trouvent du sens à cette initiative, en raison de son caractère hautement stratégique. Un rapport rédigé en 2011 par l'Académie des sciences et l'Académie des technologies intitulé « La Métallurgie, science et ingénierie » estime en effet indispensable de préserver et de développer sur le territoire française une filière métallurgique solide et en particulier sa branche sidérurgique en particulier.
Recourir aux émergents : une idée dangereuse et fausse
« La position de la métallurgie française s'est ainsi affaiblie et risque de devenir catastrophique si rien n'est fait rapidement. Croire qu'on pourra s'approvisionner auprès des pays émergents qui développent actuellement fortement leur industrie métallurgique est une idée dangereuse et fausse dans de nombreux cas, y compris dans les domaines technologiques qui, à première vue, paraissent les plus simples sur le plan technique, comme l'industrie automobile, sans parler de l'industrie électronucléaire ou de l'industrie aéronautique », explique le rapport.
Dans ce contexte, ses deux auteurs, André Pineau, de l'Académie des technologies et professeur à l'École des Mines ParisTech, et Yves Quéré de l'Académie des sciences, professeur émérite à l'École polytechnique estiment « indispensable, économiquement et stratégiquement, de maintenir en France une métallurgie forte et excellente ».
Une industrie « vitale » « Elle est en effet vitale pour des secteurs capitaux tels que transports (automobile, ferroviaire, aéronautique...), énergies (nucléaire, énergies durables...), construction navale, armement, bâtiment... Il s'agit de dynamiser l'ensemble de ces secteurs et, au minimum, de préserver nos compétences et notre savoir-faire », avancent-ils.
Au regard de la situation actuelle, le rapport propose la création d'une « mission interministérielle » ou « Comité d'Orientation Stratégique de la Filière Métallurgie » pour faire un diagnostic de la situation française dans un certain nombre de secteurs industriels et analyser leurs places dans le contexte européen et mondial.
Recruter des enseignants-chercheurs
D'autres propositions, dans le domaine de l'Enseignement et la recherche sont également formulées. « Il est urgent de réinstaller, dans les Écoles et les Universités, des formations de métallurgie en tant que discipline constitutive de la formation d'un ingénieur. Une fois le besoin affiché, et la presse peut nous y aider, il faudra se donner les moyens d'y répondre, en recrutant des enseignants-chercheurs, et en mettant en place un système de formation des formateurs, par des écoles d'été permettant de les conduire à enseigner la métallurgie au meilleur niveau. L'enseignement devra aussi s'appuyer sur des contacts étroits avec le monde industriel : mise en place de chaires industrielles témoignant de l'intérêt des partenaires privés, et accueil à temps partiel des chercheurs de l'industrie... Seul un effort volontariste permettra de former à la métallurgie des ingénieurs et des techniciens de haut niveau ».
Enfin, André Pineau et Yves Quéré suggèrent d'identifier quelques "pôles d'excellence" pour reconstruire la métallurgie (recherche et formation), associant le monde académique, les grands instituts et le monde industriel, les actions faisant l'objet d'appels d'offre identifiés dans les organismes financeurs de la recherche. "Il est essentiel que la discipline continue à recruter des chercheurs de bon niveau (CNRS et Enseignement supérieur), au besoin en formant à la métallurgie des jeunes d'autres domaines de science des matériaux. Il est urgent de recréer un vivier où la recherche publique aussi bien que la recherche privée puissent recruter la génération de chercheurs à venir", estiment-ils.
Source La tribune