Les liquidateurs (super-pompiers) de Fukushima ont-ils été victimes de brûlures radiologiques ? Pour l'heure, nul ne le sait. "Des techniciens intervenant dans les centrales françaises, d'EDF ou recrutés parmi les très nombreux sous-traitants employés ont déjà subi des brûlures radiologiques", assure Philippe Billard, président de Santé/Sous-traitance. "Les brûlures ont été assez peu graves chez les liquidateurs de Tchernobyl, des gants par exemple offrent une bonne protection, reprend Jean-René Jourdain. Ils ont surtout été exposés à une irradiation générale, ce qu'on appelle le syndrome d'irradiation aiguë." Au début, des nausées surviennent, puis le taux sanguin de globules blancs - support de l'immunité - commence à baisser.
A doses encore plus élevées s'ajoutent des vomissements ainsi qu'une atteinte des globules rouges et des plaquettes se traduisant par une anémie et des hémorragies. Les kamikazes de Fukushima sont donc suivis biologiquement. Atteignant un certain stade d'exposition, la moitié des victimes de cette première forme du syndrome d'irradiation aiguë meurent. Des cellules souches de la moelle osseuse, dite hématopoïétiques car elles sont précurseurs des cellules sanguines, sont atteintes, l'hospitalisation s'impose et l'espoir de sauver l'irradié repose sur l'administration de facteurs de croissance, des produits utilisés couramment dans le cadre des traitements des cancers et qui stimulent la fabrication de ces cellules souches. La greffe de moelle osseuse ne sera tentée qu'après échec de ces médicaments. A doses encore plus considérables, l'atteinte est digestive et sans espoir, tout comme au stade ultime, marqué par des signes neurologiques traduisant la destruction des cellules du cerveau.
"Ce syndrome, sous l'une de ses trois formes, sanguine, digestive ou cérébrale, a été la principale atteinte rencontrée parmi les liquidateurs de Tchernobyl intervenus en urgence, quand les doses étaient les plus élevées, les protections contre les rayons les plus minimales", précise Jean-René Jourdain, de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Parmi ces 237 personnes, 134 ont présenté cette maladie et 28 en sont décédées dans les quatre premiers mois. Dans les vingt années suivantes, on a comptabilité 19 décès supplémentaires, mais de pathologies différentes. De façon surprenante, certains irradiés graves de Tchernobyl on guéri spontanément. "Potentiellement, les liquidateurs japonais peuvent présenter un syndrome d'irradiation aiguë". Parmi les "urgentistes" survivants de Tchernobyl, comme parmi les innombrables ouvriers de l'ombre qui sont ensuite intervenus, beaucoup ont présenté, dix ou quinze ans plus tard, des troubles de la santé attribués aux conséquences à long terme d'une irradiation : leucémies, cancers, cataractes. La bataille des chiffres fait rage : 4 000 personnes pourraient à terme décéder selon l'Organisation mondiale de la santé, 10 000 selon d'autres sources. En 2010, une étude de l'Académie des sciences de New York estime à 985 000 le nombre de morts liées à la catastrophe... En fait, il a été impossible jusqu'à présent d'apporter la preuve d'une augmentation du nombre de ces maladies chez les irradiés de Tchernobyl, ni de trouver un lien entre les doses reçues et l'apparition de la pathologie.