Etrange phénomène.
Cellules sexuelles.
Le Point n°2010
D'ores et déjà, l'Autorité de sûreté nucléaire française a tranché : "Quelle que soit l'évolution de la situation, le Japon aura à gérer, dans la durée, les dépôts de radioactivité consécutifs à ces rejets." Après Tchernobyl, les scientifiques internationaux n'ont pas observé de différence entre les populations exposées et celles non exposées, ni pour les leucémies, ni pour les cancers du côlon, du poumon et du sein. "Mais nous n'en sommes qu'à vingt-cinq ans de surveillance, juge prudemment Jean-René Jourdain. Par contre, la mortalité par cancers, tous types confondus, s'est élevée de 3% si l'on compare ces deux populations. Et nous avons la certitude que cela est lié à la radioactivité de Tchernobyl, au moins indirectement : par le changement des habitudes alimentaires, la consommation accrue de produits à risque comme l'alcool et le tabac."
Cellules sexuelles.
Autre point épineux, tant il suscite parfois l'irrationnel, l'induction de malformations chez les nouveau-nés de parents contaminés. Près de Jitomir, une région particulièrement touchée, on a vu naître des animaux monstrueux entre 1988 et 1990. La Suède, territoire le plus contaminé par le nuage radioactif, en dehors des trois pays de l'ex-bloc soviétique entourant Tchernobyl, a vécu un étrange phénomène. "En 1987, 5 cas de trisomie 21 sont recensés quand on en attendait un", se souvient le docteur Elisabeth Gnansia, spécialiste de la question. Dix ans après, ce médecin est chargé d'une vaste étude permettant d'éclairer cette inquiétante interrogation. "Avec des scientifiques russes et biélorusses, nous avons eu la chance de disposer d'un registre épidémiologique de très bonne qualité tenu depuis 1976 en Biélorussie sur les nouveau-nés malformés, explique le docteur Gnansia. Cela a permis de comparer la situation avant et après la catastrophe, dans les zones les plus touchées, celles moyennement exposées et celles épargnées. Nous avons trouvé une augmentation dans toutes les zones de certaines malformations de la colonne vertébrale, le spina-bifida dû à un défaut de fermeture du tube neural pendant la vie embryonnaire. Ca ne pouvait donc pas être attribué aux radiations, et c'était probablement lié au stress et à la dénutrition." Ces cinq dernières années, un des membres russes de cette équipe a approfondi ces recherches, mesurant mois par mois, entre 1981 et 1992, toujours grâce à ce registre, la survenue de trisomie 21, et de polydactylie - la présence de doigts ou d'orteils supplémentaires à la naissance. Sur 140 mois observés, janvier 1987 ressort à nouveau, avec la survenue de 26 cas de trisomie 21contre 9 cas attendus, et d'un pic de polydactylie. "C'était la première fois dans l'histoire de la radioactivité qu'un lien de cause à effet avec des trisomies 21 était démontré, ajoute le docteur Gnansia. Nous avons fait l'hypothèse que les cellules sexuelles présentent une période de sensibilité très courte, probablement pendant la conception et au moment de la plus forte radioactivité." L'amour sous les rayons, des circonstances certes exceptionnelles.
A Fukushima, plus de 400 hommes ont mené un combat désespéré, au prix de leur santé, pour éviter à des millions de Japonais de revivre les douleurs, les inquiétudes et les questions sans réponse que se sont posées et se posent encore les victimes de Tchernobyl. "J'ai les larmes aux yeux en pensant à leur travail", a déclaré Kazuya Aoki, membre de l'Agence de sûreté nucléaire et industrielle japonaise.
Le Point n°2010