Ils étaient 60.000 à Paris, beaucoup moins que les opposants en novembre.
Un mois après les manifestations des opposants au projet de loi, qui avaient mobilisé plus de 100.000 personnes dans toute la France, 60.000 militants, selon la police - 150.000, selon les organisateurs - ont défilé dimanche à Paris pour manifester en faveur du mariage homosexuel. À l'appel de l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), le principal interlocuteur associatif du gouvernement sur l'homosexualité, de nombreuses associations, mouvements mais aussi familles et particuliers sont partis de la place de la Bastille pour se rendre au Palais du Luxembourg. «On veut le mariage, le veuvage et l'héritage, on veut l'adultère et la pension alimentaire», scandait les manifestants dans un cortège animé de sonos hurlantes.
«La symbolique de la Bastille est forte, c'est la place de la Révolution, la révolution des droits de l'homme et de la femme, celle de la République pour faire valoir l'égalité des droits», soulignait Patrick Bloche, père du pacs, maire du XIe arrondissement et député de Paris.
La veille, plusieurs milliers de partisans du projet de loi avaient défilé dans plusieurs villes de province. Aucun incident ou propos violents n'ont été relevés, comme le redoutaient les opposants au «mariage pour tous». Ces derniers, qui organiseront une manifestation nationale le 13 janvier, avaient appelé les «anti» à ne pas faire de contre-manifestations «pour ne pas attiser les violences et la surenchère verbale». Mouvements féministes, jeunes de gauche, homoparents, pro-PMA, cathos gays, juifs, protestants… Sous des bannières et des slogans différents, tous revendiquaient «l'égalité totale des droits», résume Soizick, coprésidente du groupe juif gay et lesbien Beit Haverim. «Quand on paie nos impôts, on ne nous demande pas avec qui on couche, alors stop l'hypocrisie, on est tous citoyens, on veut tous avoir les mêmes droits», s'énerve Elizabeth, qui brandit une pancarte à l'attention de l'archevêque de Paris: «XXIII nous v'là!» Militante PS, elle se dit très déçue de la gauche qui n'est pas claire sur ce projet. «On est là à devoir manifester, à quémander, à supplier pour que ce projet voie le jour, c'est inacceptable».
«Pour toutes les libertés»
Pour Karine, venue exprès de Madrid où elle vit pacsée avec Mervi, «aucun débat ne devrait avoir lieu, il est le signe d'un manque de volonté de l'État». «Le mariage homo aurait dû être automatiquement inclus dans la loi, sans donner la parole à tout le monde, car cela fait piétiner les choses, dit-elle. Si Mitterrand avait mis la peine de mort en débat, on y serait encore».
Comme elle, beaucoup d'homosexuels venus manifester ne comptent pas se marier mais souhaitent «par principe, avoir le choix».«J'ai été pacsé neuf ans, ça me suffit, dit Julien, accompagné de sa mère venue de Belfort. Mais comme le disent les banderoles, “je veux avoir le droit de ne pas me marier”.»
Les revendications de parentalité, avec l'adoption, la procréation médicalement assistée (PMA) et la gestation pour autrui (GPA), occupaient de nombreuses pancartes. «Liberté, égalité, fécondité pour toutes et tous», disait l'une. «Deux papas, deux mamans, des parents tout autant et des droits maintenant», disait une autre. «Mieux vaut une paire de mères qu'un père de merde», lisait-on encore.
«Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l'adoption, souligne Pierre Bergé, président du Sidaction et fondateur de Têtu. Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l'usine, quelle différence? C'est faire un distinguo qui est choquant». Un récent sondage Ifop a révélé que 60 % des Français seraient aujourd'hui pour le mariage homo et seulement 46 % pour l'adoption.
Un groupe de familles homoparentales est venu avec ses enfants. Victor, 7 ans, une pancarte à la main, fait la moue. «Moi, je voulais pas venir.» Ses deux mères ne referont pas d'autres enfants, regrettant d'«avoir été obligées d'aller en Belgique pour faire ça». Et Victor, il en voudrait des frères et sœurs? «Moi, je préférerais en avoir un vrai.»
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