Les dirigeants européens n’ont pas reculé devant le ridicule pour parler d’un « accord historique », comme le dit Michel Barnier. Pourtant, les évènements des trois dernières années devraient les inciter à plus de prudence. Pire, le contenu de l’accord est absolument révoltant, comme je l’ai expliqué sur France 24.
Les conséquences plutôt que les causes
La première conclusion de cet accord, c’est que, comme d’habitude, l’Allemagne a obtenu ce qu’elle voulait. La France et les instances européennes voulaient que la supervision s’étende aux 6000 banques et soit mise en place dès l’an prochain. L’Allemagne voulait exclure ses banques régionales et attendre 2014. Résultat, l’accord ne concerne que les banques dont le bilan est supérieur à 30 milliards d’euros (et exclut donc les banques régionales) et s’appliquera à partir de mars 2014…
Mais il y a beaucoup plus grave. Bien sûr, les pays européens ont mis en place un cadre juridique européen d’intervention en cas de crise bancaire. Mais personne ne semble s’étonner que l’UE se préoccupe de traiter les conséquences de l’anarchie financière sans s’attaquer aux causes. En effet, même si, dans l’absolu, il est positif de prévoir des mécanismes de sauvetage du système financier (encore qu’ici, il pose de graves problèmes, je vais y revenir), il vaut mieux essayer d’éviter les crises.
Et c’est bien tout le problème depuis quatre ans : l’UE n’a pas fait grand chose pour améliorer la supervision des banques et de la finance. Même les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Suisse ont fait plus en allant plus loin que les normes Bâle 3. L’UE ignore tout mécanisme de régulation de la création monétaire par les banques, ne propose pas de nouvelles normes prudentielles, ni même de véritables limites aux activités spéculatives qui nous ont menés à la crise.
Une double irresponsabilité révoltante
Encore pire, l’accord de jeudi soir propose un mécanisme de résolution des crises bancaires doublement choquant. Jusqu’à présent, c’étaient les gouvernements, en Irlande, en Grande-Bretagne, en France ou en Espagne, qui étaient responsables des plans de sauvetage des banques, créant donc une responsabilité démocratique et permettant au peuple de demander des comptes à leurs élus (comme aux Etats-Unis par exemple). Le nouveau mécanisme court-circuite la démocratie.
En effet, c’est la BCE qui se retrouve en charge de la supervision et qui pourra aider directement les établissements bancaires. Cela est extrêmement choquant car cela revient à nouveau à retirer une prérogative des gouvernements nationaux pour la confier à nouveau à des technocrates indépendants et irresponsables, comme souvent dans cette Europe. En outre, il ne faut pas oublier que la BCE a failli en laissant se former une bulle financière dans les années 2000.
Pire, alors que dans le monde anglo-saxon, les banques subissent un minimum (mais pas assez) les conséquences de leurs errements, dans la zone euro, c’est buffet de liquidités à volonté et sans la moindre contrepartie. En effet, quand la BCE a créé 1000 milliards d’euros pour refinancer les banques, le futur organe de supervision bancaire n’a pas demandé quoique ce soit aux banques, ce qui est révoltant. Et il n’est toujours pas question de la moindre demande dans cet accord.
Bref, l’accord est révoltant. Non seulement, il amplifie le transfert de compétences vers des technocrates apatrides et irresponsables, mais en plus, il n’exige rien de la part du système financier. Et enfin, il ne fait que traiter les conséquences de la crise financière sans en traiter les causes.
Laurent Pinsolle
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