Je suivais la remise du prix Nobel de la paix à l’Union Européenne, et je ne savais pas s’il fallait en rire ou en pleurer. Récompenser l’UE parce qu’elle conserve la paix en Europe, c’est comme récompenser l’Armée du Salut parce qu’elle ne fait pas commerce d’alcool, de drogue, de prostituées ou d’armes. Ou récompenser la Croix Rouge parce qu’elle n’a pas de camp de concentration. D’ailleurs, ce n’est pas l’Europe paisible qui est le garant de la paix, mais le résultat d’une intervention militaire, sans laquelle ne nous pourrions pas vivre ensemble confortablement aujourd’hui, et même pour éventuellement célébrer la dernière opération victorieuse de la Légion Condor.
La remise du prix Nobel m’a remémoré quelque chose, enfoui au fond de ma mémoire. Et comme j’étais fatigué, il a fallu un peu de temps pour que ce souvenir refasse surface. Oui, c’était bien ça ! C’est exactement comme ça que le Secrétariat Général du Parti communiste en URSS se célébrait lui-même ! On se donne mutuellement l’ordre, et l’on se félicite soi-même, d’avoir rendu une contribution extrêmement importante à la paix et à la sécurité en Europe et dans le monde.
Henryk Broder est allemand, né polonais le 20 août 1946. Il est journaliste, écrivain et personnalité médiatique. Broder est connu pour des polémiques et tribunes dans nombre de médias allemands, notamment Der Spiegel, Der Tagesspiegel (quotidien berlinois), Die Welt… Il est par ailleurs co-éditeur de Der Jüdische Kalender (compilation annuelle de citations et de textes sur la culture juive allemande). Il s’intéresse en particulier aux questions de mémoire, à l’Islam, à Israël et au conflit israélo-palestinien.