Frais de représentation exorbitants, projets immobiliers pharaoniques, absentéisme des agents... La Cour des comptes pointe les dérives des collectivités locales.
Saint-Jean-Cap-Ferrat: une politique sociale en or massif
C'est une petite ville richissime (le mètre carré est l'un des plus chers de France) et donc perpétuellement en excédent. Est-ce une raison pour que M. le maire dépense plus de 30.000 € par an au restaurant aux frais du contribuable? Non, semble penser la chambre régionale des comptes (CRC) de Paca, qui doute de l'intérêt communal de tous ces repas dans des restaurants étoilés au Michelin, d'autant que l'intéressé, René Vestri (UMP), oublie parfois de noter le nom de ses invités. Les magistrats se demandent aussi pourquoi la mairie a commandé 10.580 cartes de vœux quand la commune compte à peine plus de 2000 habitants. Bref, pour la CRC, la «vocation touristique» de Saint-Jean-Cap-Ferrat n'explique pas pourquoi le compte «fêtes et cérémonies» atteint 300.000 € en 2010! Le maire a répondu que galas et buffets «contribuent à la cohésion de la population». Il suffisait d'y penser.
Wasquehal: le maire a de l'appétit
La situation financière de Wasquehal (Nord) a beau être «très préoccupante», dixit la CRC, M. le maire ne perd pas l'appétit. En 2009, il a dépensé 24.500 € en frais de représentation, dont près de 13.800 € au restaurant. «Le maire déjeune, quasi quotidiennement et sans justification aucune, dans trois restaurants de la ville», constate la CRC, qui rapporte aussi des versements d'espèces sans justification. Cela a valu à Gérard Vignoble, réélu sans discontinuer depuis 1977 malgré ses nombreux changements d'étiquette (du PS au Nouveau Centre), une journée de garde à vue en octobre dernier dans le cadre d'une enquête pour détournement de fonds publics. Il en est sorti en fanfaronnant qu'il avait passé «une journée hyperintéressante!» et concédé «quelques erreurs administratives». Quand l'appétit va...
La communauté urbaine de Marseille s'offre Jean Nouvel
La communauté urbaine de Marseille ne connaît pas la crise. Son président, le socialiste Eugène Caselli, vient de décider d'installer les 1200 fonctionnaires de la collectivité dans une tour signée par la star mondiale de l'architecture, Jean Nouvel. Celle-ci doit être érigée sur le port, au coeur du quartier d'affaires Euroméditerranée. La collectivité devra débourser, pour occuper 12 des 31 étages avec vue imprenable sur la mer, 6,40 millions d'euros par an, soit près de 77 millions d'euros sur 12 ans, durée du bail. Le projet a été entériné par tous les maires de la communauté urbaine. L'addition, salée, a toutefois soulevé l'opposition de deux élus, le socialiste Patrick Mennucci et l'UMP Renaud Muselier qui ont voté contre. Mennucci, grand rival de Caselli, a jugé «indécent» le loyer (380 €/m², contre 250 € pour les meilleurs bureaux d'Euroméditerranée et 180 € en moyenne à Marseille). Caselli justifie: «Cela permet de donner un sérieux coup de pouce à la ville et à Euroméditerranée, qui ont besoin que les quatre immeubles de la nouvelle skyline du port se fassent.» Si c'est pour se dévouer...
Élus sans frontières
Les élus locaux adorent jouer les diplomates à l'international. Même les «petits» maires s'y mettent. Prenez Fay, un village rural de Normandie, qui finance des forages au fin fond du Mali pour 1500 € par an. Ou Saint-Yon (dans l'Essonne) qui a engagé une «coopération internationale décentralisée» avec Dallah au Mali. Il n'est pas toujours facile de convaincre la population car, même si les sommes en jeu ne sont pas énormes, cela conduit parfois à «dire non à un projet local», ont témoigné des élus lors d'un forum sur l'action internationale des collectivités, l'été dernier. Alors, pourquoi le font-ils?
Orange: la vinothérapie du maire réglée par ses administrés
Lorsqu'il est à l'Assemblée nationale, Jacques Bompard, le député-maire d'Orange (ex-Front national), plaide haut et fort pour la réduction des dépenses publiques. Mais chez lui, à Orange, c'est une autre affaire. Il y a un an, la chambre régionale des comptes a pointé de nombreuses dépenses personnelles que M. Bompard et son épouse avaient fait passer sur le compte de la mairie: repas au restaurant de madame, cure de thalasso pour les deux (avec «soins de vinothérapie, hammam et bain thermal», précise le rapport), parfums, cigares, etc. Plus deux voitures de fonction payées par le contribuable: une pour chacun. Le maire a répondu que le «flou de la réglementation» ne lui permettait pas de distinguer entre dépenses personnelles et frais de représentation d'élu. Et si l'on changeait de lunettes, M. Bompard?
À Guérande, la note des réceptions est salée
On ne s'ennuie guère dans la jolie cité historique de Guérande, à un jet de sel de La Baule. Les frais de mission des élus et les réceptions données par la mairie ont coûté 162.000 € en 2010, «les frais de réception comptant pour 68% du total», précise la Cour des comptes dans un récent rapport. C'est trois fois le montant moyen pour une commune de cette taille (15.000 habitants). Si l'on ajoute les dépenses de «fêtes et cérémonies», on atteint 187.000 €. Certes, la Ville organise une fête médiévale et ses élus participent à des «groupes de travail nationaux sur le patrimoine». Mais cela n'explique pas tout: la Cour a noté une forte hausse des «déjeuners de travail» des fonctionnaires et élus dans quelques bonnes tables de la Côte: six repas à 95 € le couvert en moyenne (42 convives) et deux repas à 130 €.
Gard: y a-t-il un pilote dans l'avion?
194 ou 273? Le conseil général du Gard ne sait pas, à 70 véhicules près, combien de voitures de fonction il possède, constate la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon dans un tout récent rapport. Les magistrats épinglent en outre le «contrôle quasi inexistant» de l'absentéisme, les règles hors normes pour la durée du travail (15 jours de congés/an de plus qu'au sein de l'État), le laxisme sur les cumuls d'emplois (un fonctionnaire payé à temps plein passe le tiers de son temps à enseigner ailleurs), l'explosion des frais de mission des élus (+41,7% de 2005 à 2009) et la gestion désastreuse du Théâtre du Quaternaire, «vitrine culturelle» et boulet financier (500.000 €/an de déficit). Bref, conclut la Cour, «la rigueur de gestion est fortement recommandée» car les finances du département, géré par le PS, ne vont pas résister longtemps si le «pilotage» n'est pas repris en main.
La vie en rose des agents de Toulouse
Dans un rapport tout frais (23 novembre), la chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées s'inquiète de la dérive des charges de personnel à la mairie de Toulouse et reproche à la municipalité de maintenir le temps de travail des agents «en deçà des minimums requis par la loi», avec sept à dix jours de congés supplémentaires par an. Soit un surcoût pour le contribuable toulousain de 8,6 millions d'euros, «l'équivalent de près de 270 agents». Et, malgré cela, l'absentéisme des agents s'aggrave, déplore la Cour. Comme dit la chanson, «travailler, c'est trop dur...»
Pyrénées-Orientales: les copains d'abord
Christian Bourquin, ancien président du conseil général des Pyrénées-Orientales, aujourd'hui président PS de la Région Languedoc-Roussillon, a été condamné en octobre à deux mois de prison avec sursis pour favoritisme. Il avait accordé, en 1999, à une société dirigée par un ami de longue date tout le marché de la communication du conseil général. L'élu de gauche, poulain de Georges Frêche à qui il a succédé à la Région, a dit être victime d'un règlement de comptes politique. Il s'est pourvu en cassation. Le même Bourquin, en guerre contre le maire UMP de Perpignan, s'est distingué en 2008 en installant le long des départementales des bornes indiquant «Bienvenue sur une route départementale». Coût du caprice: 40.000 €, selon l'Observatoire des subventions.
Eure-et-Loir: des agents logés et primés
Le conseil général d'Eure-et-Loir, dirigé par l'UMP, s'est fait sérieusement rappeler à l'ordre par la chambre régionale des comptes pour sa gestion de 2002 à 2011, non seulement à cause de sa «difficulté à produire des données fiables» mais aussi pour «une certaine tendance» à s'affranchir de ses obligations en matière de justificatifs. En ligne de mire notamment: l'attribution de logements de fonction à des agents, parfois sans document officiel. Les bénéficiaires touchaient parallèlement une prime pour se loger! Certains ont même gardé leur logement des mois après avoir quitté leur poste. Coût pour le contribuable: au moins 155.000 €. Réponse du conseil général: c'était pour aider ses collaborateurs dans une conjoncture immobilière incertaine. Même à Chartres...
L'Agence du tourisme de la Corse (ATC) à la dérive
Gérée en théorie par l'Assemblée territoriale de la Corse, l'Agence du tourisme de la Corse dérive comme un bateau sans gouvernail, si l'on en croit la chambre régionale des comptes: gouvernance défaillante, tutelle quasi-inexistante, absences répétées des membres du conseil d'administration (on atteint rarement le quorum, précise la Cour). En cinq ans, de 2005 à 2010, le budget de l'Agence a été réduit de moitié (à une dizaine de millions d'euros) tandis que les frais de personnels, eux, restaient constants. L'Agence emploie toujours une cinquantaine d'agents répartis en une vingtaine de services. Du coup, c'est la multiplication des chefs : près de la moitié des effectifs sont des cadres. Bon, on termine avec l'absentéisme? «En dépit d'un régime de congés plutôt favorable (23 jours de RTT par an, ndlr), l'absentéisme s'avère particulièrement élevé. Il atteint en moyenne 30 jours par agent en 2010 et représente l'équivalent du temps de travail de 7,4 agents exerçant à temps plein.» Soit 15% de l'effectif total. La Cour feint de s'étonner que les arrêts-maladie soient si nombreux dans un établissement où «les activités sont sans risque particulier» pour la santé. Effectivement.
Paca: Vauzelle s'offre sa «Villa Vauzella» pour 70 millions d'euros
«Villa Vauzella», c'est le surnom donné par les mauvaises langues à la Villa Méditerranée dont la construction s'achève à l'entrée du port de Marseille! Michel Vauzelle, le président socialiste de la Région Paca, a voulu à tout prix ce temple dédié à Mare Nostrum et à sa gloire, allant jusqu'à refuser de contribuer au budget d'Euroméditerranée, l'opération de requalification des quartiers de l'arrière-port de commerce, si un espace près du futur musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCem) ne lui était pas rétrocédé pour l'y édifier. Il a obtenu gain de cause... Le bâtiment signé d'une star de l'architecture, l'Italien Stefano Boeri, est exceptionnel par son audace architecturale mais on ne sait pas très bien à quoi il va servir. Il doublonne en effet avec le MuCem tout proche...«La Villa Méditerranée est le signal de notre volonté de construire un espace de paix et de solidarité. Nous y réfléchirons à notre communauté de destins (...) Cette maison, qui est la nôtre, représente l'idée futuriste et optimiste de l'avenir des peuples de la Méditerranée», commente Vauzelle dans son dossier de présentation, mais est-ce le rôle d'un conseil régional d'investir 70 millions d'euros dans un tel projet, et a fortiori s'il doublonne avec un autre?
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