L’Euro nous a coûté la moitié du taux de croissance que nous pouvions espérer, et ceci même avant de connaître les politiques de récession qui sont à l’oeuvre depuis 2011. Sans l'Euro, les Français seraient plus «riches » de 25% à 37,5% qu’ils ne le sont actuellement. Le taux de prélèvement sur l’économie française aurait pu être diminué progressivement, descendant à 40% du PIB, voire en dessous, en fin de période. Le surcroît de revenu pour les ménages venant accélérer la croissance, et pour les entreprises l’investissement, qui trouve par ailleurs ses débouchés avec la forte croissance. En terme d'impact sur le chômage, ce serait un chiffre situé entre 1070 000 à 1330 000 chômeurs, soit de 36% à 45% du total de juin 2012, que l'on peut attribuer à l’Euro en pratiquement neuf ans. Une étude signée de l'économiste Jacques Sapir.
Alors que le chômage augmente rapidement désormais en France, et que le débat autour du Traité européen (le TSCG ou traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) commence à se focaliser sur le maintien ou non de la zone Euro, il convient de tenter d’évaluer ce qu’ont pu être les coûts de l’Euro pour l’économie française. Les effets de la surévaluation de l’Euro sur l’économie française, on le sait, ont été dévastateurs. Ils mettent en avant le problème de la compétitivité externe (par rapport aux pays ayant des monnaies différentes). Mais, ce problème n’est pas le seul. Il y a aussi un problème de compétitivité interne (essentiellement avec l’Allemagne).
L’impossibilité de dévaluer par rapport à ce dernier pays a conduit à une dégradation importante de notre compétitivité, ce qui s’est traduit par un déficit de la balance commerciale (qui était positive jusqu’en 2002-2003). Ces effets se sont combinés, jusqu’en 2008, avec les effets des taux d’intérêts imposés par la poursuite de l’inflation « la plus basse possible » par la BCE Dans le présent texte on discutera l’impact sur la croissance induit par la surévaluation de l’Euro qui devient évidente à partir de 2003, l’impact sur le chômage et enfin l’impact sur les finances publiques.
I. Les effets sur la croissance
L’Euro s’est régulièrement réévalué face au dollar US depuis 2003, ce qui a entraîné une pression nette sur la croissance française. Si nous prenons un taux de change moyen de 1 Euro pour 1,05 Dollars comme correspondant à une parité économique, on constate que l’Euro, après une période de sous-évaluation qui va de 1999 à 2002, s’est très fortement apprécié par la suite. Le dollar servant de point de référence à de nombreuses monnaies (en particulier en Asie) ceci est représentatif d’une surévaluation globale de la monnaie européenne. La France faisant une part non négligeable de son commerce en dollars ou en monnaies indexées sur le dollar (environ 40% des importations comme des exportations) cette surévaluation a bien un impact important sur notre économie.
Nous notons un taux de change de 1,05 Dollars qui est propre à la France et peut servir de taux d’équilibre. Pour l’Espagne il faudrait probablement un taux de 0,90 – 0,95 Dollars, pour la Grèce probablement 0,70 dollars, et pour l’Italie de 0,95-1,00 Dollars.
La surévaluation de l’Euro a coûté environ 1% de croissance par tranche de 10% de surévaluation selon une étude de 2008. Il est donc en théorie possible de calculer l’effet de freinage induit par cette surévaluation, à partir du niveau considéré comme le taux de change d’équilibre.
Bien entendu, c’est par simplification que l’on suppose que l’effet de la surévaluation sur la croissance est linéaire. En fait, il semble que cet effet soit bien plus faible (avec une pente inférieure) quand l’Euro est proche de sa parité théorique, et beaucoup plus fort quand il s’en éloigne de manière importante. Ceci est en réalité très logique. Les agents économiques, qu’ils soient acheteurs de produits français dans la zone dollar ou acheteur en France de produits fabriqués dans la zone dollar, sont en réalité d’autant plus sensibles au prix du produit que les modifications de ce prix sont élevées.
Ces phénomènes ont été décrits d’un point de vue expérimental il y a de cela près de 20 ans dans des travaux fondateurs. Ces travaux reprennent et systématisent des intuitions datant des années 1950 et 1960 de Maurice Allais.
Suite de l'étude de Jacques Sapir