Le 21 avril 2010 a été la date choisie par Google pour lancer son nouveau service Government requests, littéralement « requêtes gouvernementales ». Ce dispositif illustre de manière emblématique la question de la cybersécurité. En effet, il recense pour la première fois, pays par pays, les demandes d’accès aux données privées des internautes faites à Google par les gouvernements du monde entier ainsi que le nombre des demandes de suppressions de contenus émanant de ces mêmes autorités politiques. Une sorte de palmarès permanent de la censure sur la Toile ? Pas si simple. Puisque certains pays sont exclus d’office de cette recension, telle la Chine qui estime que ces informations relèvent du secret d’État.
Pour le deuxième semestre 2009, on note ainsi que si la France occupe la cinquième place des nations qui réclament le plus souvent des données personnelles (846 requêtes) à Google, elle a sollicité moins de dix fois le retrait d’un contenu. Et a obtenu satisfaction dans 66% des cas. De nombreux internautes ont appris à cette occasion que le célèbre moteur de recherche détenait une quantité impressionnante de données concernant ses utilisateurs : le contenu de leurs recherches sur le Net, leurs courriers électroniques, l’historique de leurs navigations sur la Toile, leurs lieux de connexion ainsi que la configuration de leurs ordinateurs... Le tout sur une période de neuf mois.
Tableau : Demandes des gouvernements faites à Google (juin-décembre 2009)
Demandes de suppression de contenus | Demandes de données personnelles | ||
Brésil | 291 | Brésil | 3 663 |
Allemagne | 188 | États-Unis | 3 580 |
Inde | 142 | Grande-Bretagne | 1 166 |
États-Unis | 123 | Inde | 1 061 |
Corée du Sud | 64 | France | 846 |
Grande-Bretagne | 59 | Italie | 550 |
Italie | 57 | Allemagne | 458 |
Informations sur la vie privée, surveillance des contenus et éventuelle suppression de certains d’entre eux, enregistrement des sites visités sur la Toile... Voici donc résumés les grands enjeux de la sécurité numérique. Qui ne feront que progresser au fur et à mesure que se déploieront les usages mobiles d’Internet et que la population des internautes augmentera. De l’enfant qui fait ses premiers pas sur le Net, au chef d’entreprise qui utilise des serveurs informatiques pour faire fonctionner son activité en passant par les forces armées, chacun est dorénavant concerné par cette activité cybernétique. Qui suscite des attaques, des ripostes et des tentatives de protection technologiques. Ce nouveau champ de bataille est par essence planétaire et voit s’affronter des intérêts de puissance protéiformes. Pouvoirs politiques, acteurs économiques ou militaires sont tour à tour dans la posture de l’agresseur et de l’agressé. Avec – fait nouveau – la possible participation d’individus isolés ou de militants désireux de faire triompher leur cause sur le forum mondial que représente désormais Internet.
Nicolas Arpagian, La cybersécurité