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Pourquoi une telle explosion de la dette ?

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 Depuis les années 1980, les économies occidentales, surtout celles des Etats-Unis et du Royaume-Uni, se sont financiarisées et tertiarisées à l'excès, ne produisant plus autant de richesses effectives (matières premières, produits industriels ou agricoles). Faute d'être restées compétitives à l'échelle internationale, elles sont devenues surtout génératrices de dettes gigantesques. Le mécanisme de réserves fractionnaires a permis aux banques centrales et privées de pratiquer un effet levier tout à fait exagéré tant dans leur création monétaire que dans leur émission de crédit. Le système monétaire actuel n'est plus fondé sur un étalon marchandise, comme l'or, mais seulement sur du papier. La Réserve fédérale américaine a imprimé des dollars à un rythme jamais atteint auparavant. Cette augmentation de la masse monétaire ne correspond à aucune nouvelle richesse réelle. Pire, pendant 60 ans, les politiciens n'ont cessé de créer des dépenses pour financer leurs promesses électorales. Plus de projets sociaux, d'ailleurs souvent bienvenus et qui sont des facteurs de paix sociale et d'un gain de niveau de vie réel. Plus de subventions afin de contenter le désir des différents groupes de pression. Plus d'allocations en tous genres, plus d'infrastructures, qu'elles soient nécessaires ou non. Peu importe que l'économie réelle puisse générer suffisamment d'entrées fiscales pour financer le tout. L'endettement est là pour pallier à la différence. C'est l'offre abondante de toutes sortes de facilités de crédit qui a permis chez les citoyens la création de tant de dette privée. Finis les temps où pour dépenser, il fallait d'abord épargner. A l'époque du tout-tout de suite, il est facile d'obtenir un crédit pour un achat immobilier, pour de la consommation courante ou même pour jouer en bourse, et peu importe si des bulles spéculatives se créent. 
     Il est effarant qu'une telle croyance - que l'important en économie soit de pousser les gens à dépenser plus - puisse être présentée au monde comme une nouvelle philosophie sociale. L'économiste britannique John Maynard Keynes (1883-1946) et ses disciples imputent au manque de propension à dépenser ce qu'ils jugent insatisfaisant dans la situation économique. Pour rendre les gens prospères, ce n'est pas, selon eux, une augmentation de la production qui est nécessaire, mais une augmentation des dépenses. La notion de propension à consommer permet même à Keynes de considérer l'épargne comme un solde, un résidu, ce qui reste après la consommation, un acte passif ! 

     Cette manière de penser est si universellement acceptée que la manière habituelle de mesurer le produit national brut (PNB) d'un pays ne prend pas en compte l'impact de la dette. Il l'ignore complètement. Si, par exemple, il fallait emprunter 6 dollars pour investir et ainsi créer 1 dollar de PNB supplémentaire, bizarrement on ne compte que le dollar de PNB et non l'endettement nécessaire pour obtenir celui-ci. Pour n'importe quel individu ou entreprise la dette doit obligatoirement être mise au passif, sous peine de fraude. Pour les États, non ! 
     Le PNB ne tient également aucun compte de l'appauvrissement qui résulte de l'épuisement des ressources naturelles. Or, cette appauvrissement devrait être défalqué de son montant pour obtenir la richesse réelle. Dans bien des cas, on s'apercevait que la croissance est nulle ou même négative, puisque toutes les matières premières et toutes les énergies naturelles consommées aujourd'hui sont essentiellement perdues pour les générations futures. 

     Bien sûr, comme au casino, la dette commence toujours de manière ponctuelle et rationnellement acceptable. Il faut investir dans le développement d'actifs productifs comme des nouvelles routes, des ponts et autres infrastructures. Il faut ensuite mettre en place des programmes sociaux (retraites, allocations, chômage...) ou d'intérêt public (scolarisation des enfants, universités, hôpitaux...). Parfois, il faut financer une guerre pour se défendre. Puis on s'endette encore plus pour financer une défense nationale permanente, puis il faut faire des guerres préventives, puis il faut subventionner les industries stratégiques ou supposées telles. Enfin, il faut une bureaucratie complexe pour gérer tous ces programmes et toutes ces activités. Les décideurs politiques et économiques sont tellement pris dans ce mécanisme que personne n'a d'intérêt personnel à changer le système. Il y a des carrières en jeu, des habitudes et, surtout la peur de bousculer ce qui semble fonctionner si bien. A chaque fois, des experts nous confortent dans nos usages quotidiens et expliquent que, cette fois-ci, c'est différent. Faites-nous confiance !

     Ce processus n'est pas le cas unique de nos sociétés modernes. Les citoyens de la Rome impériale recevaient tous les jours du pain gratuit. C'était un gage de stabilité sociale, mais cela impliquait pour l’État romain des achats colossaux de grain égyptien. Bientôt, pour protéger ce grain, il a fallu mobiliser de grandes flottes et des armées. Impossible alors de résister à la tentation d'utiliser ces forces pour conquérir, occuper et sécuriser la source d'approvisionnement.

     Pourtant, à chaque fois que, dans l'histoire, des nations ont, par la dette, essayé de vivre au-dessus de leurs moyens, elles furent incapables de la contrôler, ce qui provoqua l'effondrement de leur économie. Lorsqu'on injecte des sommes de plus en plus colossales dans une économie, et à un rythme de plus en plus accéléré, on arrive à un effet de boom économique artificiel qui prend fin aussitôt que des quantités supplémentaires de moyens fiduciaires ne sont plus disponibles sur le marché de l'emprunt. La fuite vers les seules valeurs réelles restantes (or, argent, actifs productifs et non spéculatifs) s'accélère alors. Enfin, l'effondrement du système tout entier peut se produire, comme ce fut le cas dans l'Allemagne de Weimar, en Uruguay, en Argentine, ou encore récemment au Zimbabwe. L'économiste autrichien Ludwig von Mises (1881-1973), adversaire de Keynes, pensait que "la dette [était] partout et toujours l'antichambre de la faillite".
    
Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique

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