A l'ouverture du journal télévisé, le vendredi 30 mars 1979, Walter Cronkite, le célèbre présentateur de CBS, annonce : "Le monde n'a jamais vécu une journée pareille... Au troisième jour, confusion, déclarations contradictoires et questions plombent l'atmosphère comme des particules atomiques." Le 28 mars, à 4 heures du matin, un accident s'est produit à la centrale nucléaire de Three Mile Island, en Pennsylvanie. A la suite d'une série de défaillances mécaniques et d'erreurs humaines, le système de refroidissement du cœur du réacteur s'est arrêté, entraînant la fusion d'une partie du combustible. Dès le début, Metropolitan Edison, l'opérateur, essaie de minimiser la crise tout en diffusant des informations contradictoires.
Cafouillage.
M. E. n'a aucune idée de ce qui se passe dans le réacteur et navigue à vue. Il n'existe aucun plan d'urgence ou d'évacuation et le porte-parole n'a aucune expérience des médias. Plusieurs fois, il s'énerve face aux journalistes. Quelques heures après l'accident, le gouverneur adjoint de Pennsylvanie convoque une conférence de presse. "Tout est maîtrisé. Il n'y a pas eu et il n'y a pas de danger", assure-t-il tout en admettant qu'il y a eu "un petit rejet de radioactivité", sans donner plus de détails. L'après-midi, lors d'une nouvelle conférence de presse, il rectifie. La situation est "plus complexe que ce que l'opérateur nous a d'abord fait croire".
Ce cafouillage des autorités aggrave le climat d'angoisse. Pour couronner le tout, quelques jours plus tôt est sorti sur les écrans "Le syndrome chinois", un film catastrophe sur... l'explosion d'une centrale nucléaire ! Dick Thornburgh, le gouverneur, qui ne sait à quel saint se vouer, se tourne vers la Commission de régulation du nucléaire. Mais cet organisme n'est pas préparé à gérer une telle crise, d'autant qu'il est tout aussi mal informé. "Les infos [de Thornburgh] sont incertaines, les miennes inexistantes, nous sommes comme un couple d'aveugles en train d'essayer de prendre des décisions", résume Joseph Hendrie, le président.
Le vendredi, l'inquiétude est à son comble. Les autorités craignent qu'une bulle d'hydrogène ne provoque une explosion atomique. En fait, ils se sont trompés, mais la panique monte d'un cran. Le gouverneur, après avoir répété la veille qu'"il n'y a pas de raison de s'alarmer ni de changer vos habitudes quotidiennes", conseille aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 5 ans de partir. 140 000 personnes quittent la région. Pour calmer l'opinion, le président Jimmy Carter va visiter la centrale le dimanche, alors que l'on craint encore une explosion.
Finalement, la catastrophe sera évitée et l'impact sur la santé est resté limité. Mais les répercussions sur l'industrie nucléaire sont énormes. De nouvelles réglementations sont mises en place, une agence de crise est créée et, surtout, les États-Unis ne construiront plus de centrale. Quant à Three Mile Island, elle a rouvert en 1985 et continue à produire de l'électricité.
Le Point n°2010