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Le logiciel qui prédit les délits

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Santa Cruz, en Californie, août 2012. Il est 12 h 30. Un policier arpente une rue tranquille qu'il n'a pas l'habitude de surveiller. Quelques minutes plus tard, il arrêtera deux hommes en flagrant délit : ils tentaient de voler un véhicule. Quelques mois auparavant, deux de ses collègues qui "planquaient" aux abords d'un parking du centre-ville avaient interpellé deux femmes qui cherchaient à forcer la portière d'un véhicule. Dans les deux cas, les policiers n'étaient pas là par hasard. Ils se doutaient qu'un délit allait être commis à cet endroit précis et ce jour-là. 

L'informateur qui leur a transmis le tuyau n'était pas un indic à l'ancienne rencontré discrètement dans une impasse... mais un logiciel d'ordinateur. La ville de Santa Cruz a été la première à se doter, en juillet 2011, du programme PredPol, l'abréviation de predictive policing, un algorithme conçu pour prédire où et quand un crime va se produire. Grâce à une base de données recensant les infractions passées, la formule mathématique – complexe et tenue secrète – permet d'aiguiller très précisément les forces de l'ordre. Classé dans le Top 50 des inventions de l'année 2011 par le magazine Time, PredPol a conquis plusieurs villes américaines : Los Angeles, Memphis (Tennessee), Charleston (Caroline du Sud) et New York. Dans la Cité des Anges, entre novembre 2011 et mai 2012, ce dispositif a contribué à faire chuter de 33 % les agressions et de 21 % les crimes violents. A Santa Cruz, le nombre de cambriolages a diminué de 19 % sur les six premiers mois de l'année. Convaincue par ces chiffres prometteurs, la police du Kent, en Grande-Bretagne, teste le programme informatique depuis le 10 décembre. Une première en Europe !

APPROCHE SCIENTIFIQUE
Pour un peu, on se croirait propulsé dans le film de science-fiction de Steven Spielberg, Minority Report (2002), dans lequel des humains mutants prévoient les crimes à venir grâce à leur don de prescience. Sauf que l'approche "prédictive" est avant tout scientifique. "Nous pouvons avoir une idée de où et quand un crime va se produire, mais il est impossible de savoir qui va le commettre", insiste Jeff Brantingham. Avec l'aide d'un criminologue et d'un mathématicien, ce professeur d'anthropologie à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) s'est plongé, il y a près de sept ans, dans une vaste étude destinée à théoriser les mécanismes qui mènent au crime. "Nous avions l'intention de mener une enquête tout ce qu'il y a de plus académique, insiste le professeur. Mais, au fil de nos recherches, nous avons découvert qu'il était possible d'aller plus loin et de mettre au point un outil permettant une application concrète." Si la ville de Santa Cruz a essuyé les plâtres – "au début, il fallait être un expert en informatique pour pouvoir s'en servir, et seuls les vols et les cambriolages étaient pris en compte", explique le chercheur –, aujourd'hui, PredPol est aussi facile d'utilisation qu'un logiciel de traitement de texte et "prédit" aussi les homicides ou encore les violences avec arme à feu. 

"Nous avons eu plus de 200 demandes, émanant de nombreux pays", assure le professeur Brantingham. Inspiré des logiciels de prévention des séismes et accessible depuis un ordinateur, une tablette, ou même un smartphone, le système, qui s'actualise en temps réel, détermine des "points chauds", où le risque d'infraction est le plus élevé, afin de renforcer les patrouilles."Désormais, le vrai défi n'est plus de réagir à un crime déjà commis mais de le prévenir en l'anticipant", nous affirmait, dès 2011, Bill Bratton, le superflic le plus connu des Etats-Unis, ancien chef de la police de New York et de Los Angeles, avec qui les chercheurs ont collaboré. Quitte à faire moins d'arrestations. "Au bon endroit au bon moment, la présence policière est dissuasive", insiste Jeff Brantingham. D'autant que, face aux restrictions budgétaires, les forces de l'ordre cherchent à faire autant, voire mieux, avec moins. "Nous devons réduire notre budget de 49 millions de livres en quatre ans, déplore le commissaire principal Jon Sutton, du Kent. Nous avons dû nous séparer de 1 500 personnes, dont 500 policiers. Ce logiciel ne les remplace pas, mais il nous permettra, je l'espère, de rester efficaces."

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