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Conférence Dextra : Chronique littéraire, les livres lus et à lire
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Le grand mensonge
Pavlov aurait vu là un bel exemple de réflexe conditionné. Car l’affaire se présente selon un scénario toujours identique : un scientifique publie, seul ou avec plusieurs de ses collègues, dans un contexte en général académique et austère, un travail évoquant, données expérimentales à l’appui, une possible origine génétique des différences d’intelligence entre les groupes humains et aussitôt les esprits s’enflamment. Sur un mode précis : celui de l’ironie méprisante et de la dénonciation. On a connu cela hier, avec les affaires Jensen, Eysenck, Herrnstein, Shockley, Rushton, etc. La plus récente de ces cabales est l’affaire Herrnstein-Murray. Le premier, Richard Herrnstein, psychologue de l’université de Harvard, et de surcroit récidiviste, est aujourd’hui décédé. Le second, Charles Murray est un sociologue travaillant à l’American Entreprise Institute. Tous les deux sont les auteurs d’un gros pavé de 845 pages, édité chez Free Press à New York : The Bell Curve. Intelligence and Class Structure in American Class. C’est à propos de ce livre que la polémique s’est rallumée.
Le titre fait référence à la courbe en cloche, c’est-à-dire à la célèbre courbe de Gauss qui exprime, sous forme d’un graphique, la distribution des niveaux de QI (quotient intellectuel) au sein d’une population : peu d’individus aux deux extrémités et une importante population au niveau de la moyenne. Dans cet ouvrage, Murray et Herrnstein présentent toutes les données dont on dispose actuellement sur les différents QI entre les individus, les groupes sociaux et les races. En ce qui concerne les pratiques sociales, ils affirment que les programmes compensatoires (affirmative action) en faveur des Noirs et des autres minorités ethniques, sont voués à l’échec. Ils assurent en outre que les Etats-Unis se diviseront de plus en plus en deux mondes : une « élite cognitive » d’origine principalement européenne et asiatique, un sous-prolétariat financièrement et intellectuellement défavorisé, beaucoup plus coloré.
Plus encore que les précédentes affaires, cette affaire a suscité outre-Atlantique un nombre d’articles et de débats dont le public français peut difficilement avoir idée, cependant que The Bell Curve se haussait rapidement au niveau des best-sellers. Dans la presse hexagonale, l’ouvrage a aussi été commenté, mais en des termes allusifs (la plupart des commentaires n’avaient visiblement pas eu la curiosité de se reporter au livre) et surtout fort simplistes, l’idée générale étant que tout cela est, non seulement politiquement très incorrect, mais aussi parfaitement absurde, si bien que le monde scientifique s’accorderait unanimement pour dénoncer les sottises de Herrnstein et Murray. Cinq ans après sa parution, l’ouvrage n’a pas été traduit en français. (...) Contrairement à ce qu’on a pu lire un peu partout en France, le monde académique, et plus spécialement celui des spécialistes de psychologie et de génétique, est loin d’être hostile aux auteurs de The Bell Curve. On peut même affirmer, sans risque d’être démenti, qu’il s’accorde dans sa vaste majorité pour estimer que des facteurs génétiques interviennent de façon décisive dans la détermination des facultés mentales.
Yves Christen, Eléments n°97, janvier 2000
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La suraccumulation de puissance à la BAC
Il faut considérer le corps des policiers comme un accumulateur humain de violence d’Etat. Le corps du policier est dressé techniquement pour produire de la coercition.
La fabrication du corps policier commence avant même sa sélection. « On ne devient pas impunément policier » explique l’historien de la police Maurice Rajsfus. C’est dire qu’on ne s’engage pas, qu’on ne persiste pas sans prédispositions dans un métier dont la caractéristique principale est de pouvoir y employer légalement la violence. Il existe une inclinaison psycho-affective particulière chez les postulants au métier de policiers. Deux profils sociaux se distinguent clairement : des fils de policiers entrant très tôt dans la profession et déjà complètement socialisés, acculturés à l’habitus policier, et de jeunes hommes issus des classes populaires ayant enchaîné des emplois précaires et intégrant la profession plutôt par défaut et pour « la sécurité de l’emploi ». Lors du recrutement, un savoir institutionnel permet de déceler ceux dont l’éthos et le corps semblent inadaptables aux requisits de la police de voie publique.
La BAC recrute parmi les policiers des volontaires qui ne sont pas mieux payés que d’autres policiers de voie publique. Pour avoir le droit de travailler dans ces secteurs qu’ils considèrent comme les plus dangereux, ils doivent passer un concours d’entrée centré sur la maîtrise des procédures juridiques, du tir et de techniques de combat. Ce sont par principe les policiers les plus motivés par l’action et les plus fascinés par la violence et l’idée d’être un rempart contre la barbarie. La police sélectionne les corps les plus malléables dans la masse des mentalités les plus féroces pour fabriquer des baqueux. Le corps du policier est forgé par les allers et retours entre le terrain, le bureau et les écoles. Il accumule ainsi les frustrations et les pulsions violentes que les classes dominantes déposent dans ces institutions.
C’est de cette manière que les baqueux développent une technique de l’agressivité et de l’arrogance à l’égard des classes dominées. Leur attitude de défiance caractéristique leur est enseignée comme une méthode, la plupart du temps sur le terrain mais aussi parfois dès l’école de formation. Lors des patrouilles, il s’agit par exemple de fixer dans les yeux de manière insistante et agressive ceux que l’on veut provoquer. En principe, ces intimidations servent à révéler le crime ou les sentiments antiflics cachés dans des milieux propices au crime et à la délinquance, en déclenchant la fuite de celui qui se sentira suspecté ou le geste susceptible de justifier une arrestation, donc un bâton. « Il m’est déjà arrivé d’être avec des collègues qui baissaient les yeux, et ça c’est pas bon » raconte un baqueux. L’agressivité typique du comportement des BAC est entretenue par des techniques rationalisées. « La technique est bien connue. Quand quelqu’un n’est pas d’accord avec ce que tu fais, tu dis que la personne s’est rebellée et tu l’emmènes au poste. Il y a aussi des collègues qui provoquent ou qui inventent... » explique un officier de police. L’autonomie relative des baqueux suscite continuellement leur créativité : « Si j’en vois un qui crache, je lui colle un PV et, avec un peu de chance, ça se termine en rébellion » raconte un policier de la BAC, fier de sa trouvaille.
La fabrication du psychisme féroce s’opère tout au long d’une carrière, au contact des situations, de la violence et des armes. Comme ils le racontent, les policiers entretiennent un rapport très « sensitif » avec leurs armes. Elles forgent et symbolisent leur puissance et leur capacité à contraindre. Le policier Le Taillanter décrit sa relation au pistolet : « Fiable ou pas, la possession de ce ‘Ruby’ (calibre 7.65) n’en était pas moins pour nous tous, jeunes policiers, la concrétisation de cette parcelle de pouvoir que nous conférait notre fonction. » Il rapporte aussi l’effet des séances d’exercices au tir : « Ces demi-journées-là étaient évidemment les plus excitantes, d’autant qu’en plus du tir au pistolet debout, à genoux ou couché, on nous entraînait aussi à celui du pistolet-mitrailleur et du fusil de guerre. L’odeur de la poudre et le fracas des détonations ont toujours procuré aux hommes une sorte d’ivresse. »
Ainsi, la mise à disposition d’armes sublétales pour les polices de choc s’appuie sur une restructuration complète du rapport psychique du policier au fait de tirer. « L’excitation » liée au pouvoir de l’arme à feu était liée à une utilisation très rare dans la vie d’un agent de police classique. Son corps et son psychisme étaient façonnés par la frustration. La férocité virile, blanche et bourgeoise des unités de choc est structurée par le fait qu’elles peuvent tirer tous les soirs avec des lanceurs de balles non perforantes.
Mathieu Rigouste, La domination policière
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The Byrds - Turn! Turn! Turn!
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Esprit de groupe
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Quand les crétins du système s'en prennent à la Basilique du Sacré Coeur
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Le groupe Shaka Ponk fait chevalier des Arts et Lettres par Aurélie Filippetti
Invasion de singes, rue de Valois. Aurélie Filippetti a fait ce mardi 18 mars les six membres du groupe Shaka Ponk chevaliers des Arts et Lettres. La ministre de la Culture a félicité Shaka Ponk pour "son univers alternatif et écologiste de sons et d'images aux influences multiples et à l'énergie communicative, entre le virtuel et le réel, la Toile et la scène, au plus près des pratiques culturelles actuelles". Et Aurélie Filippetti n'a pas manqué d'associer à cet hommage Mister Goz, le singe subversif en images de synthèse, mascotte du groupe né en 2004 "à l'énergie explosive et contagieuse qui enflamme les salles".
La chanteuse Samaha Sam portait pour l'occasion un tee-shirt où l'on pouvait lire "we don't give a fuck". "Nous n'en avons rien à foutre", en français.
Frah, le guitariste, a remercié la ministre en ces termes :
Avant de demander, au nom du groupe, "l'abolition du droit de cuissage de la rock star sur la groupie, tradition ancestrale instaurée par les Rolling Stones qui, en 2014, à l'heure du rock 2.0, est totalement obsolète". [Bonus track] Le groupe a aussi partagé une photo sur son compte Twitter, @TWIT4SHKPNK. Les préparatifs d'un des membres, Steve Desgarceaux (clavier et sambles) repassant, torse nu, sa chemise. Mais cette twitpic ne précise pas que le Steve en question portera aussi une robe blanche sous les lambris de la rue de Vallois.
L'ensemble du groupe Shaka Ponk vous témoigne son plus grand respect et vous remercie du fond du coeur pour cette médaille, qui est de loin la récompense la plus originale pour un groupe de singes. Merci infiniment ! Vive la France, vive le spectacle et ses intermittents, vive la République et vive le rock'n roll !
Source
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Belle et rebelle
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Robert Schuman
Employé de la CIA selon les archives américaines révélées par le Daily Telegraph.
Adrien Abauzit, Né en 1984
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Quand Laurent Fabius pactise avec l'extrême droite ukrainienne
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Dextra Versailles recevra ce jeudi 20 mars Gabrielle Cluzel sur le thème "Que reste-t-il de la société française ?"
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Un sous-marin torpille la régate
Imaginez la tête des bambins. Et de leurs parents. Et des organisateurs de la 49e Semaine Internationale du Yachting de Mar del Plata, disputée mi-février en Argentine. Vous avez 170 Optimist lancés en pleine régate quand, soudain, un sous-marin d’attaque argentin sort son périscope, puis émerge au beau milieu des petites caisses à savon avant d’embarquer une des bouées du parcours dans son immense gouvernail ! De la classe des TR 1700, le submersible mesure 66 mètres de long, 6,50 mètres de large, déplace 2 200 tonnes – et est accessoirement doté d’un radar de navigation, d’un sonar actif et d’un sonar passif. «C'est un signe clair de l'incompétence de nos forces armées», a jugé Julio Martinez, député argentin, au lendemain de cet impressionnant incident. Lequel a semé la panique chez les mômes, mais sans faire aucun blessé. Une enquête a été ouverte contre le commandant qui a débloqué à pleins tubes. Espérons qu’il finira à la plonge.
Source
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Citoyen du monde
Imbécile
Adrien Abauzit, Né en 1984
Individu se sentant chez lui dans n’importe quel pays du monde. Autrefois on appelait cela un colon.
Adrien Abauzit, Né en 1984
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La femme de Manuel Valls prise en flagrant délit de passe-droit
Anne Gravoin a usé de ses relations pour faire sauter le P-V de stationnement d'une amie mal garée dans la rue du 11e arrondissement où vit le couple.
Les passe-droits dans la police sont une tradition... républicaine. Ce n'est pas Anne Gravoin, l'épouse violoniste du ministre de l'Intérieur, qui dira le contraire. Le 28 janvier dernier, à 10 h 30, un agent de surveillance de la voie publique (ASVP) verbalisait les véhicules démunis de ticket de stationnement ou gênant la circulation dans la rue où résident les époux Valls, située dans le 11e arrondissement de Paris. La pervenche s'en tient au règlement et aligne ses amendes dans la plus stricte égalité des conditions. Lorsqu'elle appose sa contravention sur une voiture de marque Toyota garée sur un bateau pavé, un gardien de la paix lui ordonne de ne pas la verbaliser. "Trop tard, c'est déjà fait !" lui lance-t-elle. Le policier n'était pas là par hasard. Le matin même, il avait reçu un appel d'Anne Gravoin "via le téléphone de service" pour le prévenir qu'une amie venait lui rendre "une visite strictement privée" en Toyota, comme il est écrit dans son rapport "pour verbalisation intempestive" destiné à sa hiérarchie que Le Point.fr a pu consulter. Dans ce cadre, elle réclamait l'indulgence des forces de l'ordre pour son amie éventuellement mal garée.
SDF déplacés
Lorsque l'épouse du ministre de l'Intérieur sort de chez elle vers 12 h 30, le gardien de la paix lui narre sa mésaventure, insistant sur le fait qu'il a "tout fait pour empêcher cela", c'est-à-dire la verbalisation de l'automobile de son amie. "J'appelle immédiatement Manuel", s'énerve la musicienne préférée de Manuel Valls. Deux heures plus tard, un commandant du groupe de sécurité du ministre de l'Intérieur (GSMI), qui dépend de l'ex-Service de protection des hautes personnalités (SPHP devenu Service de la protection), prend contact avec le gardien de la paix pour lui dire "qu'il s'occupait de faire le nécessaire".
Ce n'est pas la première fois que l'épouse de l'ex-ministre le plus populaire du gouvernement Ayrault use de ses relations pour obtenir des faveurs de la part de la police. Agacée par le nombre de SDF qui fréquentent son quartier, elle avait demandé aux îlotiers de les déplacer. Le ministre de l'Intérieur avait démenti l'intervention de sa femme.
Mais parfois, ce sont les policiers qui font preuve d'un zèle certain auprès des proches du titulaire actuel de la Place Beauvau. Ainsi, lorsque son ex-femme, mère de ses quatre enfants, s'est fait voler son sac à main en février 2013 à Évry (Essonne), la hiérarchie a mobilisé la police technique et scientifique pour retrouver les auteurs du larcin. Délesté de son argent et de ses cartes bancaires, l'objet avait été retrouvé à Corbeil-Essonnes dans le quartier sensible des Tarterêts. C'est le commissaire en personne qui était venu rapporter le sac à main au domicile de sa propriétaire. Les prélèvements ADN pour confondre les coupables ont fait moins de bruit que ceux effectués pour arrêter les voleurs du scooter du fils de Nicolas Sarkozy en janvier 2007.
Source
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Belles et rebelles
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François Hollande
Ravi de la crèche
« On n’est pas là simplement pour empêcher les plus pauvres de faire venir leurs produits, parce que si c’est ça le protectionnisme, pas pour nous. Qu’est-ce que ce serait comme conception finalement de la solidarité à l’égard du Sud si par rapport à des produits par le Sud...
- Ça c’est de la rhétorique de gauche pour ne rien faire.
- Nan mais je pense que c’est quand même très important...
- De défendre le sous-prolétariat indien, c’est vrai. Mais ce n’est pas ce qu’attend votre électorat.
- Enfin, je suis désolé mais je crois que l’on a aussi une vocation internationaliste, on n’est pas là simplement pour être les protecteurs de nos...
- Citoyens. »
Ce petit dialogue eut lieu entre un « socialiste » et l’historien démographe Emmanuel Todd sur le plateau de l’émission Ce soir ou jamais. Précisons que l’internationaliste en question est Monsieur François Hollande.
Mis à part le très mauvais français dans lequel l’opinion fut exprimée, ce qui frappe le plus dans cet échange est certainement le vibrant plaidoyer de cet homme de « gauche » ( ?) pour le grand capital.
Pour résumer la pensée de François Hollande, par solidarité avec l’Inde, il faudrait lui laisser exporter ses produits à faibles coûts en Europe...
Que dire de tant de misère intellectuelle ? Par où commencer ?
Au cas où l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste ne serait pas au courant, le libre-échange pulvérise le tissu industriel d’Europe. Qu’importe, me direz-vous, François Hollande est xénophile.
Nous avons un scoop pour François Hollande. L’écoulement de produits indiens en Europe ne bénéficie pas au sous-prolétariat indien. Car, à la grande surprise de notre « socialiste », la mondialisation néolibérale a progressivement mis en place un processus d’accumulation du capital qui empêche toute redistribution équitable des richesses aux travailleurs du fait de la mobilité de ce même capital. Mais il semblerait que François Hollande n’ait jamais entendu parler des ravages que produit la liberté de circulation des capitaux.
Monsieur François Hollande semble ne s’être jamais demandé pourquoi un pays comme l’Inde vendait ses produits aux pays du Nord et non à ses citoyens. Autre scoop : le niveau de vie est tel en Inde qu’une consommation intérieure de type occidental est impossible. Cette consommation indienne est d’autant plus improbable que les patrons indiens n’ont pas besoin d’augmenter les revenus de leurs travailleurs vu qu’ils peuvent écouler leurs produits hors du marché intérieur indien. Le libre-échange empêche structurellement l’augmentation du niveau de vie des pays en voie de développement.
Dans le système proposé par Monsieur Hollande, tous les travailleurs d’Inde et d’Europe sont perdants. Les uns du fait de la perte de leur emploi, les autres à cause de l’extraction de la valeur ajoutée qui devrait leur revenir de droit. Le haut patronat peut en revanche dormir sur ses deux oreilles : François Hollande veille à ce que le processus d’accumulation de capital perdure.
La xénophilie, comme bien souvent, aboutit à l’effet inverse de l’objectif espéré. Notre internationaliste se retrouve zélateur de facto du néolibéralisme.
François Hollande a été professeur d’économie à Sciences-po. Jouerait-il alors à l’imbécile ?
Adrien Abauzit, Né en 1984
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La victime devient le vrai héros social de notre temps
La justice sociale est ainsi remplacée par une mobilisation compassionnelle qui, si utile qu’elle puisse être ponctuellement, est bien incapable de permettre de formuler des solutions politiques aux problèmes sociaux. Un tel tournant compassionnel nous fait retourner au XIXe siècle des dames patronnesses, quand la justice sociale était avant tout affaire de charité religieuse et de philanthropie patronale – ce qui ne nuisait évidemment en rien au désordre établi. Les dames patronnesses s’appellent aujourd’hui Enfants de don Quichotte et Restos du Cœur.
L’évolution du langage est à cet égard significative. On préfère parler désormais de « fractures sociales », aussi accidentelles en somme que les fractures du tibia, que de conflits sociaux et de lutte des classes. Il n’y a plus d’exploités, dont l’aliénation renvoie directement au système capitaliste, mais des « déshérités », des « exclus », des « défavorisés », des « plus démunis », tous également victimes de « handicaps » ou de « discriminations », tous également conviés à faire face à leurs difficultés en adoptant les recettes dispensées par l’Etat thérapeutique. De même est-il révélateur que la notion de « lutte contre l’exclusion » ait remplacé celle de « lutte contre les inégalités », en vigueur dans les années 1970, qui évoquait encore la lutte des classes. Bien entendu, la pauvreté et la misère prospèrent sur ce terreau d’angélisme humanitaire. On veut être « solidaire » sans plus savoir ce que signifie réellement la solidarité, c’est-à-dire d’abord l’intériorisation du lien social. De façon plus générale, pour une gauche désormais coupée du peuple, le sociétal est un moyen d’oublier (et de faire oublier) le social.
Il faut d’ailleurs s’arrêter sur le terme de « discrimination », en raison du détournement sémantique dont il fait constamment l’objet. A l’origine, en effet, le mot n’avait aucun caractère péjoratif : il désignait seulement le fait de distinguer ou de discerner. Dans la « novlangue » actuelle, il en est arrivé à désigner une différenciation injuste et arbitraire, éventuellement porteuse « d’incitation à la haine », à tel point que la « lutte contre les discriminations » est devenue l’une des priorités de l’action publique. La loi du 31 décembre 2004, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), a instauré à cet effet un impressionnant arsenal de mécanismes de délation et de sanctions. Le résultat obtenu (et probablement recherché) est l’effacement de la différence entre distinctions légitimes et différenciations répréhensibles, « à tel point, écrit Anne-Marie Le Pourhiet, que la moindre sélection, préférence ou hiérarchie, ainsi que le seul jugement de valeur, semblent devenus intolérables ».
Le Code pénal précise désormais (article 225-1) que constitue une discrimination « toute distinction opérée entre les personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Le champ d’application, on le voit, est large : en toute rigueur, même l’existence de toilettes séparées pour les hommes et les femmes pourrait tomber sous le coup de la loi ! Dans le même temps cependant, les mêmes qui ont déclaré la guerre aux « discriminations » font éventuellement l’éloge des « discriminations positives » qui, pour la plupart, ne sont que des discriminations à l’envers, puisqu’elles reviennent à instaurer des passe-droits et des privilèges au bénéfice des « défavorisés ».
Au-delà de ce qu’elle peut avoir dans certains cas de légitime, la lutte contre les discriminations implique en fait la confiscation par l’Etat aux propriétaires privés d’un droit d’exclusion inhérent à la nature même de la propriété privée. « Les lois ‘contre la discrimination’ sont là pour empêcher les employeurs de décider qui ils veulent embaucher, les bailleurs de choisir à qui ils veulent louer, les commerçants de déterminer à qui ils veulent vendre leurs services et leurs produits. »
Julien Damon, auteur d’un livre sur le sujet, souligne de son côté le caractère nébuleux de la notion « d’exclusion » qui, pouvant aujourd’hui s’appliquer aussi bien aux handicapés qu’aux immigrés clandestins ou aux chômeurs de longue durée, entretient une confusion elle aussi très rentable pour l’idéologie dominante. « Les contours de la notion, écrit-il, sont devenus si vagues qu’il semble très souvent impossible de savoir avec précision de quoi on parle. » Julien Freund, avant lui, avait déjà noté que « la notion d’exclu est saturée de sens, de non-sens et de contresens : finalement, on arrive à lui faire dire à peu près n’importe quoi. »
On voit pourtant mal comment une société quelconque pourrait se passer « d’exclure » et de « discriminer », dans la mesure où tout ordre social se caractérise par les exclusions qu’il autorise et les discriminations qu’il prescrit. « Tout groupe, toute association, toute institution, comme la famille, comme l’entreprise, comme la nation, tracent une frontière entre leurs membres et ceux qui n’en font pas partie : cela ne veut évidemment pas dire que ceux qui ne sont pas inclus sont des ennemis ou des victimes. »
Le problème, c’est que dans le climat compassionnel entretenu dans l’empire du Bien, tout le monde veut aujourd’hui être une victime, terme qui participe lui aussi de la même confusion mystificatrice, du même brouillage interclassiste (il est plus à la mode d’être une « victime » que d’être un prolétaire ou un travailleur exploité par son employeur). Machiavel reprochait déjà à la religion chrétienne d’être plus portée à demander ses fidèles d’être aptes à la souffrance qu’à de « fortes actions ». L’individu souffrant ayant pris la place de l’individu agissant, la victime devient le vrai héros de notre temps.
Le statut de victime est d’ailleurs éminemment rentable. Etre une victime, avoir été une victime, être parent ou descendant de victimes ouvre droit, d’abord à reconnaissance et à considération, ensuit à compensation ou à réparation. A cet égard, l’interdiction, sous peine de poursuites pénales, de tout jugement de valeur défavorable aux Juifs, a visiblement fait des envieux chez ceux qui, rêvant d’un statut de « chouchous du malheur » (Alain Finkielkraut) aimeraient bénéficier d’une sorte d’immunité permanente vis-à-vis des critiques.
Alain de Benoist, Les démons du bien
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Coeur De Pirate - Place de la République
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A la bataille !
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École : l'offensive des mères voilées
Partout en France, des collectifs demandent l'abrogation de la circulaire Chatel de 2012 sur les sorties scolaires.
Les mères voilées repartent à l'offensive. Estimant que la circulaire Chatel de 2012 interdisant les sorties scolaires aux accompagnatrices voilées les «exclut de la vie scolaire de (leurs) enfants», que la charte de la laïcité de la rentrée 2013 n'a fait «qu'ajouter à la confusion» et que l'avis du Conseil d'État, rendu en décembre dernier, n'a rien réglé, ces mamans musulmanes, soutenues par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), se mobilisent contre une réglementation générale qu'elles considèrent comme «discriminatoire». Regroupées en collectifs, elles «marquent des points», disent-elles, et font peu à peu «plier» les chefs d'établissement.
Au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), les mamans du collectif «Sorties scolaires : avec nous !» viennent d'envoyer une lettre au ministre de l'Éducation lui demandant un rendez-vous. «Depuis octobre 2012, la quasi-totalité des écoles du Blanc-Mesnil n'autorise plus les mamans portant un foulard à accompagner les sorties scolaires, écrivent-elles à Vincent Peillon. Pourtant, la circulaire interministérielle “Renforcer la coopération entre les parents et l'école dans les territoires” d'octobre 2013 identifie la coopération parents-Éducation nationale comme un axe important favorisant la réussite scolaire des enfants. Aujourd'hui, cette coopération est fragilisée par l'application de la circulaire de 2012.»
Contacté par Le Figaro, le ministère de l'Éducation n'a pas indiqué quelle suite il comptait donner à cette demande. «S'agissant des parents d'élèves qui participent à des activités scolaires, ils doivent faire preuve de neutralité dans l'expression de leurs convictions, notamment religieuses, rappelle-t-il simplement. C'est ce qu'indique la circulaire du 27 mars 2012 dont l'application est mise en œuvre sur le terrain avec intelligence, en privilégiant toujours d'abord la voie du dialogue. Cette circulaire reste donc valable.»
Les mamans voilées du Blanc-Mesnil, elles, sont très remontées: «Nous aspirons, comme tous les autres parents, à retrouver une place légitime dans le parcours scolaire de nos enfants!, s'exclame Mouna Lamzaouek. Pendant des années, ça s'est bien passé et, du jour au lendemain, on décrète qu'on représente un danger?» Malgré plusieurs rencontres avec des responsables locaux et départementaux de l'Éducation nationale, «la situation reste invivable», déplore le collectif.
«Clarification»
«Quatre ou cinq écoles» sur la trentaine que compte la commune ont bien fini par céder aux revendications des mères voilées, «mais ce sont juste celles où sont scolarisés nos enfants, précisent les mamans du collectif. Du coup, pour faire pression sur d'autres établissements, une quinzaine d'autres mamans nous ont rejointes».
Au CCIF, on affirme avoir reçu, «depuis la rentrée 2013, des centaines de demandes de mamans voilées exclues de sorties scolaires». «Des dizaines de cas se sont réglés après un travail de médiation, ajoute-t-on. Et, pour d'autres, on met en place une stratégie juridique.» Les mamans de «Sorties scolaires: avec nous!» ont, elles aussi, été contactées par d'autres mères de famille. «On leur explique qu'il faut se regrouper et réclamer un écrit des inspecteurs d'académie, raconte Ferouz Benamar, l'une des signataires de la lettre à Vincent Peillon. À Lyon et à Bordeaux, elles ont réussi.» Dans la banlieue de Lyon, Ayche acquiesce: «Après une réunion avec l'inspecteur, il a accepté de faire passer un mot à toutes les écoles», précise cette mère voilée. Même succès dans le Nord, à Noyelles-sous-Lens. Sauf que les «ateliers lecture», qui ont lieu à l'intérieur des établissements, sont toujours interdits aux porteuses de foulard. «On a juste droit aux sorties et on ne peut pas rentrer dans les classes!, s'énerve Naima Maalou. Moi, j'en resterai pas là!»
Au Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), les mamans du collectif «Sorties scolaires : avec nous !» viennent d'envoyer une lettre au ministre de l'Éducation lui demandant un rendez-vous. «Depuis octobre 2012, la quasi-totalité des écoles du Blanc-Mesnil n'autorise plus les mamans portant un foulard à accompagner les sorties scolaires, écrivent-elles à Vincent Peillon. Pourtant, la circulaire interministérielle “Renforcer la coopération entre les parents et l'école dans les territoires” d'octobre 2013 identifie la coopération parents-Éducation nationale comme un axe important favorisant la réussite scolaire des enfants. Aujourd'hui, cette coopération est fragilisée par l'application de la circulaire de 2012.»
Contacté par Le Figaro, le ministère de l'Éducation n'a pas indiqué quelle suite il comptait donner à cette demande. «S'agissant des parents d'élèves qui participent à des activités scolaires, ils doivent faire preuve de neutralité dans l'expression de leurs convictions, notamment religieuses, rappelle-t-il simplement. C'est ce qu'indique la circulaire du 27 mars 2012 dont l'application est mise en œuvre sur le terrain avec intelligence, en privilégiant toujours d'abord la voie du dialogue. Cette circulaire reste donc valable.»
Les mamans voilées du Blanc-Mesnil, elles, sont très remontées: «Nous aspirons, comme tous les autres parents, à retrouver une place légitime dans le parcours scolaire de nos enfants!, s'exclame Mouna Lamzaouek. Pendant des années, ça s'est bien passé et, du jour au lendemain, on décrète qu'on représente un danger?» Malgré plusieurs rencontres avec des responsables locaux et départementaux de l'Éducation nationale, «la situation reste invivable», déplore le collectif.
«Clarification»
«Quatre ou cinq écoles» sur la trentaine que compte la commune ont bien fini par céder aux revendications des mères voilées, «mais ce sont juste celles où sont scolarisés nos enfants, précisent les mamans du collectif. Du coup, pour faire pression sur d'autres établissements, une quinzaine d'autres mamans nous ont rejointes».
Au CCIF, on affirme avoir reçu, «depuis la rentrée 2013, des centaines de demandes de mamans voilées exclues de sorties scolaires». «Des dizaines de cas se sont réglés après un travail de médiation, ajoute-t-on. Et, pour d'autres, on met en place une stratégie juridique.» Les mamans de «Sorties scolaires: avec nous!» ont, elles aussi, été contactées par d'autres mères de famille. «On leur explique qu'il faut se regrouper et réclamer un écrit des inspecteurs d'académie, raconte Ferouz Benamar, l'une des signataires de la lettre à Vincent Peillon. À Lyon et à Bordeaux, elles ont réussi.» Dans la banlieue de Lyon, Ayche acquiesce: «Après une réunion avec l'inspecteur, il a accepté de faire passer un mot à toutes les écoles», précise cette mère voilée. Même succès dans le Nord, à Noyelles-sous-Lens. Sauf que les «ateliers lecture», qui ont lieu à l'intérieur des établissements, sont toujours interdits aux porteuses de foulard. «On a juste droit aux sorties et on ne peut pas rentrer dans les classes!, s'énerve Naima Maalou. Moi, j'en resterai pas là!»
À Nice, une mère voilée vient de saisir la justice administrative, bien décidée à «se battre pour obtenir une clarification» de la loi. «Ma cliente souhaite obtenir une jurisprudence sur le statut de parent accompagnateur, indique Me Sefen Guez Guez. Pourquoi tant de résistance? Ces mamans n'ont aucune fonction éducative ou d'encadrement!» Selon l'avocat, il s'agit de la première action en justice d'une mère privée de sorties. «En fait, ça se débloque là où on bouge, mais si personne ne dit rien, la circulaire Chatel ne sera jamais abrogée!, s'insurge Ferouz Benamar. Pour l'instant, on ne demande que l'abrogation de cette circulaire et pas de la loi de 2004 sur l'interdiction du voile à l'école. Après ? On verra.»
Source
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